Marathon 92/100 : 46 km, (Alanya – Gazipasa)
En quoi ça te concerne ?
Parfois, j’entends cette question. Cette suspicion presque. Et je la comprends tellement.
On m’aurait dit il y a 2 ans que je me retrouverais obsédé de trouver une manière d’agir sur les situations de violence du Proche-Orient, je pense j’aurais prévenu votre médecin.
J’avais comme analyse politique une idée toute faite : un palestinien, j’ai l’impression que c’est un jeune homme énervé. Ah la jeunesse ! Et la pauvreté ! Ça n’arrange rien.
Et puis je trouvais que j’avais déjà bien à faire à gérer ma propre vie.
Mais il y a eu cette succession d’événements. L’Amour qui a éveillé mon âme, mis ensuite mon égo en dépression parce que je voyais les mensonges auxquels j’adhérais jusque-là, par confort. La recherche alors de ce qu’est l’Amour, pour moi-même et pour espérer. En réalisant des projets, des films. Tout cela parce que j’avais eu cette intuition qu’il y a dans l’amour la clé fondamentale pour nous tous.
La rencontre du prêtre Gérard Fouquet qui m’a vu faire parler d’amour des personnes âgées. Qui m’a regardé, qui m’a reconnu. Et fait résonner en moi ce qu’il considérait que j’étais. Un mot que je ne connaissais même pas bien.
Karine qui m’a emmené à Jérusalem. L’histoire des grands prophètes que j’ai découverte et les traditions monothéistes magnifiques dans leur questionnement, nées sur ces terres et qui abreuvent tellement nos cultures actuelles.
La résonance aussi dans l’actualité des actes de Jésus Christ : dénoncer les mensonges, inciter à tourner le regard vers soi, sentir que nous sommes liés, croire en la compassion, en la bonté de la vie.
Et puis ces soldats israéliens de 18 ans, insouciants, plein de vie, que j’ai vu. Que j’ai ressenti, 2 mois avant leur mobilisation.
Ce sentiment de malaise que j’ai éprouvé tout au long de ce séjour en même temps qu’une révélation. Comme si, enfin le décalage que j’avais toujours ressenti dans ce monde, il m’était expliqué. Nous nous étions éloignés, collectivement du chemin de l’amour.
Il y a eu Macron (peu importe les hommes) qui a légitimé le carnage à venir sur ces terres de notre histoire, de ces utopies en attente, en parlant de droit à se défendre. L’expérience du COVID qui a montré que nous serions prêts, de nouveau, à obéir sans comprendre à des ordres incompréhensibles et souvent maltraitants à une échelle encore jamais atteinte.
Et puis le même chef de ma nation parlant de réarmement pour l’école, évoquant la possibilité de mobiliser des soldats français en Ukraine. D’entrer en Guerre donc de manière explicite.
Je ne crois pas que le temps et l’espace fonctionnent comme nous l’admettons habituellement. Je crois que Moïse libérant les Hébreux c’est maintenant, qu’un peuple attendant un Jésus affrontant les juifs corrompus asservissant un peuple en prétendant le faire en vertu des intérêts supérieurs, c’est maintenant.
Je crois que nous sommes plus que jamais soumis aux mensonges. Que cette Terre sacrée qui a tant essayé de faire germer la beauté de la vie est actuellement profanée de la pire manière qu’il soit.
Je ne crois pas que la diplomatie américaine (pardon de faire une généralité sans nuance mais je dois expliquer ma vision de la situation générale), la plus grande puissance militaire du monde, cherche la paix. 9 fois que l’émissaire américain est envoyé pour cela, avec sans cesse une situation qui s’empire.
Je crois au contraire qu’ils participent à une attaque sans précédent sur l’humanité toute entière. “Ils” savent pertinemment que le peuple, chacun de nous, sommes celui qui décide. Alors, on nous raconte des histoires, pour qu’on leur laisse écrire la leur.
Dans un épisode de la grande librairie que je vous ai partagé, un Général raconte le Rwanda. La guerre civile. Comment des voisins très gentils se sont soudain mis à s’entretuer de façon systématique.
On le sait maintenant grâce à l’expérimentation psycho social, ce ne sont pas les gens, ce sont les situations qui sont la source.
On croit que ça ne pourrait pas arriver chez nous. Mais je vous ai aussi partagé un épisode de Magda Hollander-Lafon qui a été déportée et qui expliquait que le plus dur à vivre avait été la trahison par ses voisins avec qui ils se rendaient courtoisement des services jusque-là.
Dans un monde où nous obéissons tous à l’argent. Où certains ont des fortunes plus importantes que des Nations. Où le pouvoir tend à sélectionner les individus à la moindre morale et favorise le développement de psycho pathologies de type perversion narcissique. Où l’idée que le grand problème de notre monde est que nous sommes trop nombreux se répand partout au point de commencer même à devenir populaire. Où les moyens de l’ingénierie sociale sont sans précédent.
Dans ce monde, je dis que nous avançons tous à grands pas vers l’apocalypse prédite par les prophètes qu’ils considéraient comme nécessaires sans doute à notre éveil.
Pourquoi je vous raconte tout cela ? Alors que je sais bien qu’on n’a pas envie d’entendre des trucs pareils, (que ce n’est d’ailleurs qu’une partie de la vie et puis qui suis-je pour affirmer des choses pareils) que ça n’aide du coup peut-être pas à sortir du déni et/ou du sentiment d’impuissance.
La réponse :
Parce que je réfléchis tout haut. C’est d’abord mon histoire que j’écris.
Aujourd’hui, j’ai avancé avec la chaleur, quelques douleurs mais je vois bien comme je suis aidé dès que je reprends la route.
De nouveau des personnes accueillantes, les boissons, la nourriture et le petit matériel dont j’ai besoin toujours au bon moment.
Tout me fait ressentir cette force qui me demande d’essayer, de chercher comment agir là-bas.
En arrivant à l’hôtel, je ne suis pas complétement usé cette fois. Il y a ce petit chien qui me fait la fête. Au lieu de tendre mon passeport pour les formalités, je me mets à genoux pour jouer avec lui. Ce qui n’est pas dans ma nature normalement.
Dans les journaux, ils expliquent que personne ne rentre dans Gaza. Pas même des journalistes.
Comme pour le sommet de la paix en Suisse, où je m’étais détourné pour poser la question de l’usage de L’Amour dans la stratégie de paix, je vois poindre les murailles infranchissables. Ma future déception à accepter.
Mais c’est comme si on me facilitait la route. Comme si on rendait les personnes accueillantes, mais sans plus de contacts, pour me laisser toute mon énergie au travail d’étude d’hypothèses pour agir au mieux là-bas.
Que faudrait il ?
Il faut une imagination qui ose tout, il faut la Foi, mais il faut aussi de la chance et beaucoup de réalisme.
Pour l’instant, concrètement, je ne vois pas.
J’ai des images comme un réalisateur teste l’émotion qu’il ressent à telle ou telle fin.
Il y a Kevin Costner dans le film danse avec les loups qui, blessé, monte sur son cheval, galope devant la ligne ennemi et redonne espoir à ses troupes.
Il y a Bob Dylan qui demande à sa mère d’enterrer son fusil dans la chanson “knockin on heaven’s door”.
Il y a 1000 personnes courant vers les barbelés, soulevant un nuage de poussière avec une musique incroyablement entraînante, touchant le cœur des soldats, soudain pantois et exauçant ainsi les prières de l’enfant sans sa mère.
Il y a l’opinion publique qui se retourne partout dans le monde parce que c’est le moment, parce que simplement un acte symbolique tournant en boucle sur les écrans a touché quelque chose.
Et il y a que peut-être il faut du temps.
Et il y a que peut-être il faut que chacun soit touché dans sa chair pour que l’amour s’éveille.
Mais je crois que s’il m’est donné cette semaine de Marathons encore, pour chercher, c’est que la vie pense que je peux trouver quelque chose.
Voilà, c’est ça que je crois. C’est qu’il y a quelque chose qui existe déjà mais que je ne vois pas encore.
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.