Marathon 52/100 : 33 km, (Jagodina – Aire d’autoroute à Pojate)
– 2e Partie –
À 11h50, en arrivant dans la chambre d’hôtel, j’ai explosé de joie. Je t’envoie la photo. Elle résume tout.
Je t’écris à toi. A toi qui me lit. A toi qui m’a écrit un commentaire hier.
Je sais bien que vous êtes plusieurs et que chacun est unique.
Je voudrais en t’écrivant faire comme s’il existait une personne qui soit la conjonction des 2. Tous et chacun et toi.
C’est peut-être l’occasion de changer de tête pour toi.
C’était la première fois que je sollicitais quelque part des retours. Je sais trop aujourd’hui que nous sommes tous perdus face aux grandes questions de la vie et que les réponses sont personnelles, liées aux situations toujours complexes, mouvantes.
Pour autant, as-tu remarqué comme pour chaque sujet, dès qu’une dizaine de personnes s’exprime on a la diversité des angles de vues. Tous vrais. Tous une partie de la vérité grâce à quoi, on y voit ensemble plus clair. Et parfois le chemin se dessine enfin. Exprimé par aucun pleinement, mais permis par tous.
J’avais envie pour une fois d’avoir ton regard subjectif. Parce que je cherchais une information que je ne captais pas.
Il y a aussi qu’en suivant mon élan, je savais qu’il y aurait des obstacles, comme des miracles. Je savais que le plan auquel je participe et sa raison d’être ne me serait révéler qu’à la fin. Par contre, j’avais l’intuition que je devais noter et partager ce cheminement parce qu’il rejoindrait l’universel. J’en profite pour m’excuser. J’écris rapidement. J’espère bien un jour relire et arranger tous ces textes. Les comprendre peut-être moi-même. Ahahah !
L’intuition, c’est qu’il n’y aura peut-être pas de grandes conséquences à ce projet. Mais ce cheminement s’en est un. Ça j’en suis sûr.
Me lire, prendre le temps de répondre à mon appel, voilà ce qui m’a encouragé. Que tu te demandes comment m’aider et que tu essaies de le faire. Voilà ce qui m’a bouleversé. C’est la posture d’humilité, la présence. L’Amour finalement qui est toujours ce qui fait vibrer notre cœur.
Mais nous aimons mal tu le sais bien.
L’Abbé Pierre quoi qu’on en dise aujourd’hui, ne l’a jamais caché lui.
Juste une a parté. Je veux bien qu’on brûle sans discussion nos idoles mais j’aimerais bien qu’on m’explique pourquoi on écrit, les faits se sont produits entre 1970 et 2005, “il y avait des consignes parce que c’était de notoriété” et que la communauté Emmaüs écrit comme si elle tombait des nues 20 ans après. Sans livrer le moindre examen de conscience.
Je crois que je t’en parle parce que toi-même je trouve tu ne sembles pas toujours accepter que ce qui sonne en toi comme un espoir soit porté par un être parfaitement humain. C’est à dire extrêmement médiocre et banal à tant d’égards.
Dans chacun des mots que tu choisis, tu me livres, en creux, qui tu es.
Je sens parfois l’attachement, la sensibilité, l’humilité, la volonté, l’impuissance, la peur.
J’y réagis. Ça touche mes complexités. Mais quand j’y réfléchis, c’est bien cet ensemble qui est magnifique.
C’est donc un mélange de gratitude mais aussi d’envie de te rassurer qui me fait t’écrire. Te donner ces nouvelles.
Tout à changé ce matin. A mon avis pour des raisons très concrètes.
J’avais beaucoup moins de kilomètres à faire.
Il faisait moins chaud.
Du coup, j’ai pu partir seulement à 6h et donc dormir vraiment. Le repos, ce grand médicament pas trop cher !
Dès les premiers kilomètres, j’ai trouvé les Serbes et les fleurs sublimes.
Le parcours était beaucoup plus facile. 2 villes un peu importantes pour m’aider à me ravitailler sereinement.
Pour le coeur, crois moi, je vais vendre chèrement ma peau. La mort est une option possible. Chaque jour, tu le sais bien. Y compris pour des personnes qui croient s’être préservées de tous les risques. Je pense d’ailleurs que nous faisons une grave erreur de vouloir ignorer cette pourtant banalité.
Je pense à ceux qui sont allés ou sont actuellement à la guerre. Qui risquent leur vie sur ordre.
Je pense à mon fils que mon Président menace de ce risque, puisque notre collectif, dit-on, l’aurait choisi pour nous guider. A Demi mots vous vous souvenez qu’il a estimé que la question d’envoyer des jeunes de 18 ans en Ukraine se posait.
Je veux lui donner, à mon fils, des arguments pour refuser, si malheureusement c’est lui – notre Président – le prophète, d’assumer les conséquences de l’absence d’intelligence.
Je pense que si tu as réussi à comprendre cette phrase, c’est que les miracles, ou les malentendus, existent.
Bref !
C’est pourquoi, moi le premier, j’ai été inquiet d’un problème que je n’avais jamais eu. Grâce à mon ami cardiologue, je pense avoir repris le contrôle. Très forte chaleur qui m’obligeait à réduire mon sommeil, à pousser la machine pour éviter les pires heures, accumuler à la succession d’efforts.
Mais globalement ça je l’avais pas si mal géré.
Par contre, en parlant d’ionisation, là j’ai percuté que j’avais fait une erreur. J’ai habitué depuis très longtemps mon corps aux variations de température, à utiliser le minimum d’eau ou de nourriture. De sorte que j’ai des marges pour remettre du confort dans les moments compliqués.
Mais j’ai bu trop d’eau plate. Ce qui a un effet lessivant pour le corps.
Bref, c’est très complexe cette mécanique mais grâce à mon expérience, c’est à dire à mes successions d’erreurs, j’ai pu réparer.
La température va être plus basse pour les prochains jours. Il a même plu ici. Enfin !
Comme tu l’as souligné, je peux aussi m’arrêter une journée, réduire un peu les étapes… Bien sûr que je n’ai rien à prouver. Je n’ai d’ailleurs jamais eu pour ambition de faire un exploit sportif. Je suis bien plus prétentieux que ça. Je cherche à être le monde que je veux voir advenir. Je cherche surtout… Le chemin de l’Amour. Donc je tâtonne.
Tu m’as beaucoup répété de prendre soin de moi. Bien sûr !…
Je vais te dire un truc rigolo. J’ai connu 2 personnes qui ont voulu me conseiller sur ma nourriture. 2 personnes que j’ai toujours connu avec des problèmes de digestion.
Pour dire que j’ai beau y réfléchir, je suis évidemment sensible à ta part sensible, mais je crois que je prends soin de moi à un très haut niveau.
D’abord, je ne dis pas que je vais bien quand je vais mal. Et surtout, j’elague pour aller le plus possible vers ce qui est important pour moi. C’est ce qui me permet de me retrouver à faire des projets qui sont très fidèles à ce que je suis.
Ou peut-être plus exactement, découvrir qui je suis.
Mais voilà le point clé, c’est quand tu m’as parlé de nouveau départ.
Je ne sais pas bien comment ça a changé. Sans doute grâce à tout le reste. Grâce à cette souffrance justement. Grâce à votre simple écoute qui m’a permis de dire.
J’ai pensé au psychiatre Carl Jung qui évoquait la crise du milieu de vie (la cinquantaine) ouvrant le passage de “je fais pour les autres” dans notre première partie de vie, à “je fais pour moi” dans la seconde “.
Ce n’était pas l’idée initiale du projet. Mais ce matin c’était évident que c’était cela que j’allais faire dorénavant.
Si mon intention d’éviter les drames du monde est confrontée à l’univers des intentions complexes de chacun, je suis libéré de ce poids et je vais juste suivre cet élan pour moi et en profiter chaque jour.
J’ai cherché un objectif concret qui me fasse très plaisir. Un truc qui me donne envie d’avancer et qui ne dépend que de moi.
Je l’ai trouvé. Accroche toi !
Je vais rejoindre Sofia. La capitale bulgare. Et là bas, j’irais à une terrasse et je mangerai un yaourt.
Et figure toi, que plein de gens m’ont klaxonné pour me saluer aujourd’hui. Parce que je souriais bêtement en courant.
PS : et je suis tombé amoureux. Je pense ça va bien durer 3 jours. Elle s’appelle Éva Bester. Je suis sûr qu’elle, elle ne touche pas les seins des autres sans demander…
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.