Marathon 72/100 : 30 km, (Avcilar – consulat français à Istanbul)
La nuit porte conseil !
Peu de kilomètres, j’avais tout mon temps.
Alors, j’ai profité pour savourer de longer la côte, m’arrêter dans de magnifiques cafés pour préparer l’échange avec l’administration française.
J’ai notamment beaucoup lu sur l’histoire de la Syrie, son gouvernement, ses acteurs, ses relations internationales, la situation dans les différentes régions.
En arrivant sur Istanbul, tout m’a paru fou. Impossible de résumer une telle ville. Parce que je crois on peut tout dire d’elle.
Si en courant, vous traversez Paris, vous allez peut-être voir Versailles, la banlieue d’Argenteuil, le quartier chinois, les étudiants, les sans domiciles (enfin pas en ce moment), les folies bergères, les champs Élysées, des kebabiers, le Georges V, les touristes chinois et les affaires de la Défense.
Istanbul c’est Paris avec plus de couleurs, plus d’émotions visibles, de motos qui pétarades, d’excitations poussées peut-être par les rêves d’une jeunesse qui veut être l’Occident et l’Orient réunis.
Alors en sortant de mon hôtel 4 étoiles que j’ai réservé 2 fois tellement ce qui comptait c’était le rendez vous avec les autorités françaises, moi aussi j’avais des rêves hyper réalistes qui me donnaient le sourire.
“Ah vous voilà enfin !
Nous sommes tellement heureux de vous rencontrer. Nous vous suivons sur internet avec les collègues d’autres ambassades.
Vous représentez l’espoir que nous attendions.
Voulez-vous un thé ?
Bon, nous avons peu de temps. Comme vous savez la situation au proche orient est en train d’échapper à tout contrôle. Il y a des discussions actuellement dont je ne peux rien vous dire. Mais un groupe très puissant a mobilisé plusieurs nations autour de votre projet. Ils pensent que vous pouvez réussir.
Voici votre visa pour la Syrie et le Liban. Plusieurs personnes vous accompagneront sans que vous le sachiez pour votre traversée de la Turquie.
Ensuite, en Syrie, pour votre sécurité vous rejoindrez une ONG de médecins que vous suivrez. Vous pourrez courir entre les villages. L’organisation secrète sera infiltrée parmi vous pour que vous parveniez à bon port.
Si vous atteignez effectivement Jérusalem, nous déclencherons alors une vaste opération médiatique en impliquant des personnalités connues.
Après nous espérons que l’opinion publique prenne le relais, se lève, vous rejoigne pour que les discussions pour la paix et un monde où chacun respecte la vie se mettent en place malgré les intérêts aux conflits des parties prenantes.
Des questions ?”
“Non. Je me disais juste que ce que vous me racontez me plaît encore plus que les Ferreros…”
Et en fait, en franchissant les portiques de sécurité, en laissant mon portable en otage, en attendant sur une chaise en plastique, en voyant les vitres qui protègent les agents, les caméras, les affiches sur la politesse, je savais que le petit colibri allait être ramené à la réalité.
2 personnes et pas des moindres pourtant m’accueillent. Pierre Deroubaix, le Vice consul et l’adorable consul adjointe dont je regrette d’avoir oublié le nom.
Pierre fait 2m02. Moi un peu moins. Et effectivement il a de la hauteur.
Ils m’écoutent. Se montrent impressionnés. Sont encourageants.
Je leur parle de ma vision, des grands prophètes, de l’amour que tout le monde cherche et qu’on piétine, de notre histoire commune.
On ne peut pas m’interdire d’aller en Syrie. Mais Pierre montre les cartes.
“Pas de problèmes pour traverser l’essentiel de la Turquie. Voyez ! Mais le Sud c’est très dangereux. Et là, on n’est qu’en Turquie. Le problème, c’est que je ne crois pas que l’ambassade syrienne vous autorise à passer. Il vous faudrait un visa”.
Même mon âme l’a entendu. Je crois parce qu’il n’a pas projeté ses peurs sur moi. J’ai compris : “tu peux essayer. Mais légalement, je pense que c’est impossible. Et si tu essaies dans ces conditions, ta probabilité de risquer ta vie est évidente.
Ça nous embête personnellement, mais ça n’est pas notre responsabilité”.
Je n’ai pas de problème à risquer ma vie. Mais il faut que cela ait du sens.
Là, vis-à-vis de mes enfants, le risque de laisser un héritage pourri de type, “il voulait la paix, il les laisse en deuil sans atteindre la terre promise parce qu’il n’a pas respecté le minimum de règles de prudence…”
Je suis sorti en marchant lentement avec mon âme. Mes pas m’ont emmené à la mosquée.
L’imam s’est mis à chanter. C’était très beau.
J’ai vu tous ces hommes à genoux qui priaient. J’ai pleuré.
Puis à l’hôtel j’ai demandé à des jeunes s’ils voulaient bien m’accompagner à l’ambassade syrienne à Istanbul demain matin pour vérifier le destin. Pour discuter.
On a vite vu grâce à internet, qu’il faudrait 3 mois pour envisager un Visa même si j’avais les meilleurs arguments du monde. Ils sont déprimés en Syrie. 500 000 morts à cause de la guerre civile ces 12 dernières années. Ils ne veulent plus voir personne.
Pierre m’a promis d’écrire à sa hiérarchie pour les informer de ma démarche. J’ai parlé des casques Roses. Ces méditants envoyés avec succès par l’ONU il y a 40 ans pour apaiser déjà le conflit israélo-palestinien. Je lui ai demandé de bien rappeler ce qu’un homme seul, de 30 cm plus petit que lui peut faire. A fait. Que nous sommes des millions à vouloir la paix, que si l’autorité y met sa force, nous aide à nous rassembler, la force qui m’a traversée, par l’énergie de chacun peut changer le Monde.
J’ai un peu haussé le ton j’avoue. Peut-être à tort ! J’ai conclu, si les Présidents veulent arrêter l’escalade, qu’ils le montrent eux aussi.
J’ai parlé à un anglais aussi à l’hôtel avant de vous écrire. Il était en famille en vacances. Il a dit en anglais “whaou cher voisin, cher ami”. J’espérais qu’il avait une piste…
Une femme est venue ensuite. Elle était française. Elle accompagnait son mari qui, pour sa crise de la cinquantaine, est venu ici se faire replanter 3 800 cheveux d’un bout de son crâne sur un autre bout.
J’aimerais trouver une chute (autre que de cheveux)… Une étincelle de sens. Une logique, un endroit de l’incendie où déposer ma goutte d’eau avant de boire la tasse.
Je pense à la troisième voie. Comme toujours.
Allez à Antalya peut-être. 15 marathons. Il en manquerait 13 pour faire 100.
A Antalya, utiliser la seule option possible… Un avion qui irait à Tel Aviv…
Ça n’est pas pareil ! Est-ce que ça fait sens ?
Et puis que pourrait il se passer de plus en allant là bas ? Un miracle ?
Ce qui amène finalement à la grande question qui se pose chaque jour pour chacun de nous. Quel est le bon chemin pour nous ?
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.