Marathon 51/100 : 46 km, (Velika Plana – Jagodina)
– Août 2020 –
Un voisin de mon terrain sans réseau d’eau et d’électricité a découvert son chat tué. Par balles !
Il voulait aller crier sa colère auprès des gens du voyage qu’il avait vu avec un fusil la veille…
Était-on sûr ? Et comment rescussiter un chat qui d’ailleurs sont censés avoir 7 vies ?
J’étais placé entre ces 2 parties. Est-ce que du bon pourrait sortir de tout ça ?
Le dimanche suivant j’ai entrepris de courir 100 km (faut pas trop me chercher) sur le kilomètre autorisé et qui faisait le tour de tous nos terrains. Comme pour proposer un horizon commun.
Mais à 50 km, une voisine également choquée est venue m’apprendre que son mobil-home avait été cambriolé. Ce sont des charnières de portes qui ont été volées. “Tiens, des charnières comme on était venu me demander la veille, en vain”.
J’ai arrêté immédiatement de courir. Je me suis reconnu naïf. Mais surtout, ce jour là, après de nombreuses années à travailler sur un syndrome du sauveur structurant mon fonctionnement, j’ai vu que je l’avais bien soigné. Je trouve chouette de contribuer au bien commun mais j’avais dorénavant besoin de la réciprocité, des efforts, de l’engagement des parties concernées. Sans quoi, je renoncais sur le champ. Ce que j’ai fait !
Cet épisode m’est revenu hier soir. Je basculais dans la seconde partie. Le 51e marathon.
J’ai mis une énergie colossale dans l’appel que j’ai reçu jusque là. Mais où mène t il ?
Quand on voyage de cette manière, quand on a passé sa vie à essayer de mieux connaître l’être humain, soi, la vie, on sait bien que s’il n’y a pas un minimum d’élan en face, vous n’irez pas bien loin.
Bien sûr qu’il y a vous qui me suivez, que nombre d’entre vous trouvez ça beau, important. Que ça vous encourage, que ça change des petites choses en vous.
Moi aussi ça me fait évoluer, ouvrir les tiroirs de la complexité, de ma complexité…
Mais j’avais en tête que nous pourrions être un million à passer de notre indignation face à la mort de civils à l’action concrète.
C’est ça que je vise. Que ça change quelque chose pour les personnes qui sont d’un côté ou de l’autre des fusils.
Que notre besoin de redevenir acteur de nos vies, de notre destin collectif était aujourd’hui devenu tellement urgent, que beaucoup verrait la portée symbolique de risquer sa vie pour celles des autres à cet endroit précis. Que ce serait un cadeau pour nous. Que ce serait un acte d’amour comme le signe déclencheur de notre décision de construire un autre monde, maintenant.
Mais il faut être réaliste, bien que je me sente dans une immense réussite – en trouvant ma joie dans le fait de me mettre au service des autres et de la vie et par là de moi-même, en l’état, je ne vois aucun élément de nature à franchir la frontière syrienne et donc encore moins à peser sur des réalités ultra complexes.
Pas de médias, pas de succès populaire, pas d’engagements à me rejoindre là bas.
Il y en a bien sûr. Je loue chacun d’eux. Ce sont des bénédictions. Mais c’est dérisoire face à l’enjeu… Ils ne permettent pas de réaliser le projet.
Et puis, j’étais très fatigué hier soir. J’avais de nouveau une grosse étape. De nouveau obligé de partir à 4h pour éviter la chaleur.
J’ai eu ces derniers jours plusieurs fois des petits problèmes cardiaques. Comme un plancher de verre me rappelant mes limites. Merci au passage au cardiologue et ancien collègue de sport pour son précieux éclairage.
A 22h, la fête bat son plein dans la chambre d’à côté.
23h – ma Foi est intacte. Comme toujours. Mais que cherche t on à me dire en m’empêchant maintenant de dormir… Peut-être je devais aller jusque là et laisser maintenant aux autres le soin de prendre le relais, ou non, de cette initiative… Et moi me reposer. Juste ça maintenant. Prendre soin de moi.
Après tout, je crois que le monde changera lorsque le cœur de chaque homme changera. Il faut accepter que cela prend du temps, nécessite des expériences vécues. Pour moi comme pour chacun.
Ça tourne en boucle.
Je descends à la réception. Ils règlent le problème en 2 min.
4h. Dans la chambre encore, j’erre en short, brosse à dents dans la bouche. J’essaie d’entendre la voix intérieure. Celle qui chaque matin m’a poussé vers la ville Sainte. Rien aujourd’hui !
Rien ne pousse à y aller. Rien ne m’en empêche.
Ce n’est pas vraiment une décision. Mais je pars dans les rues sombres et déjà chaudes. Les chiens errants se réveillent. Ils n’ont même pas de réception pour se plaindre de mon dérangement.
Les paysages n’avaient que peu d’intérêt. Toujours cette étuve inhospitalière qui renvoie des odeurs de décomposition le long des routes…
Comment puis-je me plaindre. Moi qui suis libre. Moi qui ai tout. Juste le sens à chercher…
Et puis, je croise des hommes et des femmes qui me sourient. Il y a ces fleurs violettes sur les bas côtés qui par souvenir interposé me couvrent d’amour.
Je cherche un objectif plus réaliste qui pourrait arriver et me rendrait heureux…
J’essaie surtout d’aimer ne pas connaître le plan divin, d’aimer être là malgré les douleurs, la fatigue, l’inquiétude et le vide.
Il est 11h30 Lorsque j’aperçois la ville d’arrivée.
J’arrive enfin dans la rue du logement réservé.
Il y a 4 voitures stationnées devant. Sur les 4 plaques, le chiffre 111.
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.
“L’intuition, c’est qu’il n’y aura peut-être pas de grandes conséquences à ce projet. Mais ce cheminement s’en est un. Ça j’en suis sûr.”
Ce fut exactement mon intuition concernant ton projet avant ton premier marathon… il t’en a fallu 52 avant d’ouvrir les yeux.
La recherche du nous est présente dans tes écrits, mais le JE l’emporte toujours… le syndrome du sauveur, tu l’incarnes à la perfection. Et c’est sans doute parce que le JE roucoule dans ton entreprise, qu’à la fin, le million espéré est celui de tes chimères.
Sans elles, pas d’ailes, pas de marathons. Et au final, juste le chemin…
Je ne te suis pas parce que ça m’interpelle, mais parce que je m’ennuie – ce qui n’est plus le cas depuis 10 jours – parce que je te connais et jalouse ta chimère productive. Tu n’es par contre pas le premier que je croise à chanter l’amour et qui refuse la main qu’on leur tend, comme si l’intention se refermait sur leurs propres désirs et volonté. C’est la même contradiction que celle des pronoms : JE tords ton nous. J’ai donc, au coeur de mon ennui, voulu te tordre à mon tour. Et comme tu m’as fourni la matière, j’ai froissé le torchon…
Tu as attendu que le peuple se soulève et te rejoigne, mais il t’a ignoré. Tu as voulu être le nouveau Jésus Christ et tu restes Antoine Vernier. Un homme parmi les autres, et qui comme les autres, veut être aimé.
Tes réflexions politiques sont pour le moins limitées. Je dirais même que tu t’empares du fait politique pour servir ta cause, sans soupeser les mots prononcés que tu reprends à ta guise, ce qui viendrait à en vider la substance qui alimente tes fausses vérités. Et puisque les circonstances justifient tes abus de langage, j’imagine qu’elles permettent à tes interprétations du politique d’être parfaitement fondées.
Il est aussi surprenant, c’est une réflexion que je me suite faite dès le premier jour, pour un projet comme le tien, qui veut mettre en exergue l’amour, donc l’ouverture, de fermer l’accès aux commentaires qui accompagnent ton chemin, ce qui ressemble à une volonté de contrôle. C’est en somme ce que tu recherches aussi, le contrôle : tu aimerais que tous les coeurs ressemblent au tien et qu’ils te reconnaissent comme le guide suprême, celui par lequel la voix/e de chacun(e) s’est libérée et a offert au monde d’être Amour.
Tu auras remarqué enfin que ce message est une nouvelle fois essentiellement critique. Prends-le comme un acte de générosité : je nourris ta capacité à transformer le doute en énergie positive.
J’entends votre désir de sortir de l’ennui. Je vous souhaite plein succès dans votre entreprise.