Semons l'Amour

Marathons 57 et quasi le 58/100 : 38 km, (Dimitrovgrad – Galabovtsi) puis 34 km (Galabovtsi – Sofia)

Béni problème d’hôtel

La Foi, c’est super pratique ! C’est quand quoiqu’il se passe, tu trouves toujours que c’est pour le mieux” Éléa

Il est minuit passé ici. Quelle journée. Il y aurait tellement à dire. Mais pas sûr de tenir encore longtemps les yeux ouverts…

Je vais synthétiser.

D’abord je tiens à remercier Jean Michel Serisier pour ses réponses à mes questions.

Jean Michel est pour moi le champion de course à pied de notre département 49. Il a gagné le courrier de l’ouest, a des records sur toutes les distances, a renouvelé sans cesse sa pratique, est devenu spécialiste du 24h et surtout fait beaucoup pour les autres à travers son activité de commentateur, de coach, de bénévole.

J’avais besoin de son regard parce que je me disais, un marathon en 6h, parfois 8, alors même que je cours tout le temps, c’est quand même pas foufou.

Il m’a dit “ah ben non, c’est normal ! Il faut raisonner comme sur un 24h. Tu dois gérer dans la durée. Bout à bout, tu as fait plus de 2400 km. Franchement, c’est énorme !”

Ça m’a fait plaisir et aidé parce que ça sonnait juste pour moi. Plusieurs fois, j’ai senti que malgré l’effort physique et mental j’avais finalement des marges. Quelque chose en moi savait naturellement que je dois toujours garder une marge pour gérer une montagne, un manque d’eau, un coup de fatigue, de chaleur, un détour ou plusieurs de ces problèmes en même temps.

Sans transition, j’ai rencontré la plus belle femme de Suisse hier soir. Un vrai bon récit ne parlerait que d’elle.

Elle était assise à la table d’à côté avec ses enfants. Sa fille portait un t shirt avec un cœur.

J’avais envie de lui parler. Elle aussi je crois. Je n’osais pas. Et puis je me suis dit que dans 40 jours, je me trouverais stupide d’avoir eu peur de la déranger.

Ça a illuminé ma soirée de la rencontrer. On parlait aussi mal anglais l’un que l’autre. Ce qui n’a empêché aucune blague. On avait envie de rire je suppose. Rire avec quelqu’un, surtout quand a priori vous pensez la personne d’un monde inaccessible, c’est soudain voir que la vie est simple, belle.

Elle a aussi fait super bien semblant de pouvoir m’aider à passer la frontière bulgare (il n’y a qu’une autoroute qui la traverse à cet endroit) en plissant les yeux, d’un air concentré sur mes cartes.

Finissant, en blagueuse qui veut avoir le dernier mot, par me pousser à aller voir la table de policiers qui avaient beaucoup bu, pour leur dévoiler mon plan de contrebandier.

Cette étape a été magique. Passage en fait du poste frontière par l’autoroute tranquillement. Puis traversée des montagnes en mode “trail”. Ce que j’aime le plus.

Tout reposait sur la fiabilité de l’application maps me qui était convaincue que je pouvais, à travers les forêts, trouver de jolis petits sentiers. Je m’attendais donc à avoir surtout des champs improbables à traverser et devoir utiliser l’azimut pour deviner une possibilité. Et je n’ai pas été déçu.

Je finis enfin par retrouver un peu de bitume, certes plus exigeant pour les jambes mais tellement plus rapide.

C’est là que dans une petite côte j’aperçois un cycliste poussant péniblement sa monture.

Je goûte par avance le clin d’oeil à Joël.

Il s’agit de Laurent Caujac. Dans ma première phrase, à mon fameux accent anglais, il comprend que je suis français.

Lui est instit à Clermont. Incroyable !

Il va à Istanbul. Incroyable !

Il fait 130 km par jour. Incroyable !

Mais comment se fait il que je n’ai pas entendu parler de lui dans les journaux me dis-je… Oubliant un instant que je fais ça aussi.

Par contre, il est parti le 2 juillet. Ma tête calcule ce qui sépare le 2 juillet du 27 mai. Des années lumières… Incroyable !

D’un coup, je me trouve vraiment lent…

On bavarde ainsi. Et je me rends compte qu’en avançant avec lui, je cours beaucoup plus vite que d’habitude. 11, 12 km/h dans un faux plat descendant. C’est là que je réalise pour mes marges.

Et puis on finit par se quitter. Il tient ma main une seconde de plus et j’entends “c’est incroyable le projet que tu mènes. Merci de faire ça”.

Là une émotion vient me prendre. Essentiellement parce que je crois que je n’ai décidé de rien.

Et puis je finis par arriver à Galabovtsi.

Ce n’était pas mon idéal ce village. C’est 7 km de détours. 14 en ajoutant le retour demain. Mais il n’y avait un hôtel que là dans le parcours jusqu’à Sofia que j’avais redessiné et qui me permettait de gagner en tout 30 km sur le tracé initial. Presque une étape.

En arrivant, immédiatement je sens que quelque chose ne me convient pas dans ce village. Toute la route est en travaux. Pas de commerces et une drôle d’énergie…

Une fille, sa mère et sa grand mère m’ouvre la porte de l’hôtel. Seule la fille parle un peu anglais. Aucune ne sourit. La grand mère semble même contrariée par ma présence.

S’ajoute que je découvre que tout est finalement très sommaire. La grand mère qui s’occupe du paiement ne prend pas la carte et je n’ai pas pris le temps de retirer de l’argent bulgare. Pas très prévoyant de ma part. Je savais que ça aurait pu être gênant pour les ravitaillements mais j’étais, à tort, serein pour l’hôtel qui d’ailleurs était censé faire restaurant.

J’essaie de demander s’il y a un distributeur dans le village. On ne se comprend pas bien.

Je suis rincé, j’avoue que j’espère juste rapidement prendre une douche et réfléchir à ce problème de paiement plus tard. Ça devrait pouvoir se faire via Booking ou western Union que j’ai utilisé pour ça il y a quelques jours.

Je vois qu’elle est agacée mais je ne vois pas comment mieux communiquer à ce moment là.

J’en parlerai avec sa petite fille plus tard.

Me voilà enfin à la douche… Sauf qu’il n’y a pas d’eau.

Je me rhabille. Je tombe sur la fille. Elle vient vérifier. Elle me propose une autre chambre…

Même problème.

Je me rhabille… La fille essaie de me convaincre cette fois que c’est bien que quelques gouttes d’eau tombent du pommeau.

À ce moment là je sais que tout est fait pour que je parte de là. Surtout l’attitude de la grand mère. Mais je ne vois pas comment physiquement je pourrais repartir. Surtout qu’il n’y a rien avant Sofia, 33 km plus loin.

Ils ont dû ouvrir une vanne générale, ça y est la douche marche.

Du savon plein le visage, je me félicite de n’être pas tellement affecté par l’acceuil reçu. C’est habituellement mon principal critère de confort.

Enfin propre, juste avant de m’endormir pour la sieste, je songe que je dois pouvoir mieux capter les informations pour ne pas me retrouver dans de telles situations.

Et c’est ainsi que se formule dans ma tête mon idéal : ne pas avoir à faire ces 7 km demain matin (l’étape devrait faire 46 km pour atteindre l’hôtel où je prendrais une journée de repos. Ça la rendrait plus accessible en la réduisant), être dans un hôtel confortable, avec un accueil agréable et avoir une solution pour le paiement de celui-ci.

Je m’endors.

A 17h30 arrive le grand père. Il tient un bâton, marche vite et a l’attitude du gars très en colère. Il frappe à la porte et avant même que j’ai finis d’enfiler mon short entre en furie dans la chambre.

Il m’hurle dessus, insiste lourdement sur la présence de son bâton et me fait signe de décamper immédiatement en s’approchant beaucoup trop près de moi.

Je me vois avoir peur. Accélération du rythme cardiaque, rétrécissement du champ visuel comme on l’apprend au Krav maga. Et en même temps, j’ai cette pensée que c’est la solution parfaite que j’attendais et qui va exaucer en un seul coup mon idéal.

En attendant, j’essaie de ramener de la logique, de l’échange. Il est totalement fermé et continue de hurler. Je vois son bâton qu’il essaie de ne pas lever.

Franchement, j’ai utilisé le lit, les serviettes, s’il me chasse, il ne sera pas payé. La logique m’échappe. Ils m’ont peut-être pris pour un vagabond qui n’a jamais prévu de payer. Je peux comprendre. J’aurais pu être plus clair, plus prévoyant. Mais enfin quand même, là il est un peu borderline.

J’ai l’idée d’utiliser Google translate. Il comprend. S’impatiente, hurle de nouveau dans le téléphone qui refuse d’obtempérer.

Cette fois il m’accuse de ne pas bien faire fonctionner le téléphone.

C’est là que ma patience cède. C’est un détail dans ma voix, dans un mouvement soudain vif de mon corps.

Il recule instantanément. Il parle enfin normalement. La peur a changé de côté.

Il reprend son souffle et la balle est au centre.

Je prends mes affaires tranquillement.

Je le regarde dans les yeux pour que lui me voit bien. Je lui dis dans un français impeccable et souriant pour moi-même : “merci pour tout. Au-revoir monsieur”.

J’ai dormi, à 18h il fait frais. J’ai envie de courir. Je vois sur internet qu’au prochain village à 7km il y a peut-être finalement un hôtel. Comme je suis en Bulgarie, j’ai internet sur la route alors je mets juste avant de partir mes écouteurs. Madonna me rejoint. On danse ensemble quelques minutes pour savourer notre liberté.

Aussi parce que cet événement vient de me montrer qu’un vieux monsieur hystérique avec un petit bâton ne peut pas m’arrêter. Au contraire, il me donne une énergie supplémentaire.

Je cours plus vite que jamais. J’arrive au village en question, je retrouve des personnes me souriant. Je retire immédiatement plein d’argent. Par contre, l’hôtel est finalement fermé…

La contrariété me traverse de nouveau une seconde.

La seconde suivante, je regarde la distance pour le premier hôtel à Sofia… 26 km. Il est 18h30.

C’est jouable ! Il faut juste continuer de rêver d’un repas et aller vite sur les 17 premiers parce que c’est une voie express qui m’attend. Je dois profiter de la lumière du jour pour éviter les risques.

Et pour la première fois depuis le début de cette aventure, je parviens à courir 21km en moins de 2h.

La fin se termine de nuit, infiniment plus lentement…

Je trouve enfin, 4 h plus tard, l’hôtel de luxe à moins de 40 €.

Le monsieur qui m’accueille me propose immédiatement de m’asseoir. Le temps qu’il s’occupe de tout.

Demain, les jambes vont être très lourdes. Je vais bien sûr payer tous ces efforts. Mais j’ai quasiment 3 marathons d’avance à présent.

Ce sera donc seulement une dizaine de kilomètres demain pour visiter Sofia en mode touriste. L’idéal pour récupérer à tous points de vue.

Une autre journée sans courir s’ensuivra. La récompense que je m’offre de tout ça. Et qui me permettra de préparer la suite jusqu’à Istanbul.

Il me restera encore une journée de pause que j’utiliserais probablement pour l’ambassade à Istanbul.

Yes !!!!

Grasse matinée demain 🎉

PS : il y a en particulier une photo très moyenne. Un clin d’oeil à celui qui se reconnaîtra.

PPS : on peut suivre Laurent ici : https://www.polarsteps.com/…/10118346-istanbul-j-y-roule

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