Semons l'Amour

Marathon 75/100 : 25 km, (Golyaka – Selimyie)

10 secondes à franchir…

J’ai souvent ressenti que ces 10 secondes, c’est le temps qu’il faut pour que le contact avec l’étranger, l’autre ou la situation inconnue, se fasse et que nous constations que nous avons du commun, que c’est agréable de se reconnaître. Ou que la situation est finalement moins inquiétante que l’on croyait.

Mais ces 10 secondes, parfois, elles font peur.

Mon corps est en grève ce matin. C’est une cheville bloquée, quand je souhaite aller me laver les dents qui vient avec ses revendications.

Sauf qu’en tant que patron, j’ai un double problème. Le prochain hôtel est à 52 km sur la carte, et encore, en faisant 5 km de détours et le second : je croyais avoir pris quasi un marathon d’avance grâce à mes efforts de la veille. Je croyais, car, une erreur dans le parcours initial m’apparaît en recalculant les étapes jusqu’à Antalya.

Le 15 août qui devait faire 40 km en fait, fait en réalité plus de 150. Je n’ai donc dans ma tête qui aime des lignes d’arrivée claires non plus 1 marathon d’avance mais 2 marathons de retard…

Bref, on signe un accord qui ne satisfait ni le corps, ni l’esprit à ce stade : on part seulement pour 25 km direction un village sans hôtel. Va pour lâcher la bouée. On verra.

Et on lâche aussi l’itinéraire et les dates précises. Lorsque j’aurais fait mes 100 marathons de 42 km en moyenne, je prendrais le bus de là où je suis pour arriver à l’heure.

Affaire réglée, j’ai pris dans la foulée un billet de Chypre à Tel Aviv le 4 septembre. Objectif re-fixé.

Pour info, pour Emmanuel ou Teddy ou d’autres, c’est 200 € l’aller en gros depuis Paris. Il faut juste un passeport et se déclarer à l’ambassade israélienne sur internet. J’y serai à 14h10.

Mais revenons à aujourd’hui…

Sur le chemin de montagne, dont j’arpente péniblement les montées en marchant, je me questionne sur ce dont j’ai réellement besoin pour me reposer l’après-midi et la nuit.

Pas besoin de payer (ahah), pas besoin de robinet luisant ou de draps soyeux, de matelas confortables. Ce dont j’ai besoin, c’est me sentir en sécurité et accueilli. Éventuellement de l’électricité pour pouvoir trouver ma route grâce au téléphone. Et un peu d’eau pour me laver. Je visualise alors la moquette épaisse d’une église dans une pièce fermée…

J’arrive enfin dans le village de quelques âmes de Selimyie.

Je questionne l’épicier tout d’abord… Un adolescent adorable venu acheter une glace accepte de la laisser fondre sur le comptoir pour m’aider à obtenir “rien du tout”…

Il y a un café juste à côté. Une terrasse pleine d’hommes sans âge pris entre ennui, plaisir, jeu de cartes et thé bien sûr. Je les rejoins. Le CAC40 du village c’est là.

Je lave mes mains, on m’offre un de ces thés, des sourires et je charge un peu mon portable.

A ce moment là, je sais qu’une aventure va se mettre en place et que je vais adorer la fin bien que j’ai hâte de me poser vraiment. Je me laisse porter.

Le serveur me recommande d’aller au bout du village pour manger.

Je m’attends à trouver un restaurant. Mais c’est le village entier qui est réuni sous des marronniers. Des adolescentes m’expliquent, en triturant leurs cheveux, que c’est une fête cérémonie de circoncision. (Complètement zappé que cette pratique est autant juive que musulmane. C’est dingue quand même).

C’est plus ou moins public selon elles. C’est pourquoi on m’y a envoyé.

Mais ne voyant pas bien ma contribution à cette magnifique communauté, je retourne au café où j’explique que je vais plutôt aller me reposer près de la mosquée. En me disant que comme chez nous, le principe est sans doute d’essayer d’accueillir le “nécessiteux”.

Et là, je vois ce que j’avais visualisé.

De l’eau, des bancs, de l’électricité et un vestibule avec la moquette…

Il ne me manque qu’une chose, bien que les personnes du café sache que je suis là, j’aimerais bien que ce soit validé par la communauté de cette mosquée.

10 min plus tard arrive un vieil homme, puis d’autres et encore d’autres. Bientôt, autour de mes chaussettes et mon dentifrice, une trentaine d’hommes.

Je sens qu’ils ne sont pas venus pour m’aider à faire ma lessive.

L’un d’eux sort Google traduction. Il voit le site Semons l’amour traduit en Turc.

Là, un courant passe dans toute l’assemblée. J’entends “Jérusalem” qui se transmet, des personnes bouger les bras pour expliquer à un voisin que je cours ou bien qu’il fait “un temps de poules”.

Et puis l’imam arrive et il fait traduire “qu’il aille dans l’ancienne chambre d’hôte au dessus du café”.

Quand je reviens au café, tout le monde me connait. On insiste pour que je prenne le même repas qu’eux.

Une gratitude infinie m’envahit.

J’ai une trace indélébile. Ma maman m’a mis à l’école à 3 ans. Pour aller travailler. Ce que la plupart vive normalement je l’ai vécu comme absurde. Elle était le Monde. Qu’auraient pu m’apporter ces étrangers ?

Pourquoi ne lui donne-t-on pas l’argent dont elle a besoin ou bien que je vienne travailler avec elle…

J’irais les voir dans cet endroit quand j’en éprouverais l’envie.

J’ai tenu une semaine dans le couloir. Puis une semaine debout devant ma table d’écolier. On me l’a raconté mais j’en ai le souvenir. C’est curieux…

J’ai ressenti l’abandon de cet enfant qui préférait l’amour à aller servir une société d’inconnus. Et puis l’humiliation de ces adultes et de ces enfants qui étaient au mieux embêtés par ma colère, mais souvent en riaient. Ils étaient incapables de voir la détresse que je n’identifiais pas moi-même.

C’est pourquoi, lorsque au milieu de tous ces hommes qui forment un groupe, avoir une place parmi eux est un bouleversement pour moi.

Ce soir, je suis dans cet endroit poussiéreux, mais qui est le plus grand hôtel que j’ai visité. Celui de l’accueil d’une communauté entière.

J’ai même internet. Je reçois alors un message d’Emrah qui s’est démené pour m’accueillir hier soir chez lui.

*Bien qu’il y ait un mot, qui dans sa bouche sonne beau, dont je continue, sans avoir la réponse, de me demander s’il aide ou non à aller vers le pardon réciproque.

Voici les phrases qui retiennent mon attention : “(…)

Filistinde yaşanan soykırıma dikkat çekmek için yaptığınız bu muhteşem eylem için size minnettarız.

Keşke birlikte fotoğraf cekebilseydik. Bir daha yolunuz düşerse yine misafir etmek isteriz.

Sevgiylen kalın..

Emrah”

“Nous vous sommes reconnaissants pour cette magnifique action que vous avez entreprise pour attirer l’attention sur le génocide en cours en Palestine.

J’aimerais que nous puissions prendre des photos ensemble. Si vous revenez, nous aimerions vous accueillir à nouveau.

Reste avec amour…”

PS : je m’excuse de ne pas toujours répondre à vos commentaires. Parfois, c’est un problème de temps. Actuellement je ne vois plus les émoticônes et comme c’est très important de répondre juste pour moi, ça me perturbe un peu…

PPS : bravo pour tout ce que vous faites les uns les autres. Ça m’enthousiasme beaucoup !

PPS : je vous partage une musique entendue dans un podcast. J’espère qu’elle vous donnera comme moi envie d’imiter les héros qu’il rape.

Ils dansent – MC Solar

Une réponse

  1. Salut Antoine, C’est Dominique, la maman de benjamin, je vois que tu avances et c’est merveilleux. Alors je t’envoie toutes mes bénédictions pour la réussite de ton voyage et merci de l’avoir réalisé
    bises et à bientôt Dominique de Hyeres

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