Marathon 82/100 : 30 km, (Afyonkarahisar – Suhut)
C’est un allemand. Il dit “c’est moi le plus fort. Je suis capable d’aller sur la lune”.
L’anglais réagit un peu piqué : “mais non, c’est moi le plus fort. Moi je peux aller sur Mars”.
Alors le français, tranquillement, intervient. “Et bien, non. Le plus fort, c’est moi”.
“Oui. Je peux aller sur le soleil” déclare t il.
Les 2 autres, “non ! Mais c’est impossible !”
“Si. Parce que je vais y aller de nuit”.
Blague transmise en audio par Éléa.
30 km, ça me semblait une étape de repos presque. Alors j’ai pris mon temps. Attendu le déjeuner de 7h. La dame avait préparé un buffet incroyable, elle souriait et sa fille aimait plus encore ces vacances d’abondance.
Avant de sortir complètement de la ville, je n’ai pas pu m’empêcher de m’arrêter encore, cette ville m’a tant plu. Km4, je prends un café, je lis le journal.
1 mort et 2 blessés par balles à Angers. 1 mort en Cisjordanie. Une attaque de colons israéliens. Des perceptions extrêmement différentes. Un fait divers presque contre la trace de l’ordre du monde qui vascille et pourrait terroriser jusqu’à Angers.
Et puis l’embrasement régional. l’Iran va-t-il tuer pour se défendre à son tour et légitimer le retour de flammes israélien ?
Le cessez-le-feu aura-t-il lieu à Gaza ? Pour combien de temps ? J’ai une sensation étrange avec ce terme même de cessez-le-feu…
Ceux qu’on appelle responsables politiques disent : “ok, on arrête de vous tuer et on libère même certains de vos prisonniers, quelques jours”.
“Comment ça quelques jours ? Après vous reprenez ces activités ?”
Voyez, c’est pas comme une bagarre déclenchée par des émotions non maîtrisées. Durant le cessez-le-feu, vous avez le temps de redescendre, vous pouvez vous dire “non mais là j’ai honte, j’ai vraiment fait n’importe quoi”.
J’ai traversé presque 10 pays, effectué bientôt 3500 kms. Partout cette manière de relationner paraîtrait folle. Elle même irréelle. Impossible de se rendre compte.
Moi sur ma route aujourd’hui il y avait cette femme assise derrière son mari qui conduisait la mobylette. Ils vont comme ça nettoyer quelques champs.
Elle porte un foulard. Elle voit cet homme torse nu en train de courir dans la longue montée de la route de Suhut. Ça ne se fait pas de regarder les hommes normalement. Mais elle est intriguée.
L’homme sent alors son regard. Il lève le bras pour la saluer. Il lui sourit.
Alors, avant même qu’elle ait eu le temps de réfléchir et culpabiliser de son audace, elle lève son bras elle aussi. Et ça l’a rend joyeuse. Alors elle sert un peu plus la taille de son mari. Pour le lui dire.
Et puis en arrivant je suis allé déjeuner. Le dimanche, il n’y a pas grand chose d’ouvert. On m’a fait asseoir dans le restaurant quasi vide du centre. Et c’est Murat qui est venu me préparer en personne le repas. A chaque fois il venait me sourire avec une tendresse incroyable.
Moi j’étais pas au top. Je venais de lire un mail qui commençait par une insulte. Une insulte étrange puisqu’elle concernait la moralité de ma maman. Ça m’a amusé sur le coup, parce que j’ai imaginé comment ma maman se serait occupée de cette personne si elle l’avait croisée.
Et puis ça me travaillait. C’est vrai ça. Pour qui je me prenais. Qu’est-ce qui m’empêche d’admettre les guerres, les crimes, de vivre sans rien y faire ? De croire aux miracles de l’amour ? Que je puisse moi-même en vivre ?
Je repousse mon assiette vide, m’en vais payer et Murat me sourit de nouveau. Me sortant de mes pensées négatives sur moi-même.
Il me dit qu’il m’offre le repas.
Mais comment est-ce possible ? Non ! En plus j’étais pas le client le plus drôle aujourd’hui.
C’est non négociable. Ça lui fait trop plaisir.
Il m’explique qu’il m’a vu courir sur la route ce matin. Il trouve ça incroyable.
Une émotion m’étreint.
Que puis-je leur offrir d’autres que de continuer de croire à ce projet ? De courir comme pour dire que je tiens à l’humanité. Qu’elle est ma grande famille. Y compris ceux pour qui mon existence même commence à leur poser un problème.
Et puis cet après midi, c’était le jeune Kaan. Il n’ose pas venir me voir. La barrière de la langue ne l’aide pas. Ses copains l’encouragent. Il a peut-être 13 ans et il me demande mon compte Instagram. Voilà, il connaît quelqu’un de France qui est venu en courant jusqu’à chez lui. Et moi je connais Kaan, l’enfant pur qui sert le thé à Suhut et qui est la preuve que la vie est une merveille.
En parlant de merveille. Voici le moment d’écouter Pascale. Pascale, je lui ai demandé si elle voulait bien nous rejoindre parce que j’avais envie de la voir plus souvent. Et il se trouve qu’en plus elle est super efficace.
Que puis je dire ? Que je l’aime. Quoiqu’elle fasse, quoiqu’elle vive.
Pour moi elle est la Re belle.
Merci d’avoir dit oui.
PS : le plan A, c’était partir et essayer de participer à la mise en œuvre d’un bouclier humain d’amour. Je devrais faire une vidéo pour exposer les grandes lignes du plan B. J’ai un peu peur… Ça va venir sûrement.
En gros, l’idée est d’utiliser la symbolique pour atteindre l’objectif : être entendu par le plus grand nombre de soldats pour qu’ils se reconnectent à l’amour en eux et choisissent de déposer les armes si c’est le bon choix pour eux.
Pour cela, je pense il faudrait que je parvienne à m’approcher au plus près de Gaza (en respectant en premier lieu ma propre vie) et essayer de produire un message repris par au moins un journaliste présent sur place afin que ce message soient le plus largement entendu possible.
Bien entendu, je ne suis pas du tout arrivé. J’ai un marathon demain et rien n’est jamais fait.
Beaucoup de paramètres rendent le plan périlleux. Le site, le journaliste, réussir à produire un message efficace.
Ce plan pourrait même paraître obscène, démagogique…
Il repose sur l’idée que chacun, même le pire en apparence, souhaite au fond de lui aimer et être aimé.
Je fais mienne cette phrase du poète québécois Jacques Gauthier “J’ai misé ma vie sur l’invisible et je ne suis pas tombé dans le vide”.
Il sortira toujours quelque chose de bon d’un projet qui vient du coeur. A moi d’être sûr de cela, dans chaque détail.
Concrètement, nous avons écrit à un regroupement d’ONG à Gaza, pris des contacts avec quelques personnalités. Mais j’aurais besoin de contacts sur place.
Je vous livre ce plan dont la vie et les hommes se chargeront de juger de la pertinence, de le changer, l’empêcher ou en faire un miracle.
Ma maman, elle vous le dira, pour m’empêcher de rêver grand, il faudra au moins commencer vos messages par Bonjour.
Quand à vous chers amis, MERCI de votre soutien.
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.