Jouons le Jeu
Ces 2 jours de pause à Sofia étaient nécessaires. Le premier comme pour respirer, gérer le matériel. Nouvelles chaussures, nouvelle gourde (2 fois le poids de sa défunte prédécessrice), huile de massage, dentifrice, culotte de compétition, élastique en titane (je plaisante). Et le second, pour voir si l’envie allait revenir.
Le corps, son job, c’est de dire “on n’est pas bien là au bord de la piscine ?”. Et il tire sur les tendons dès que je me lève… “Viens on ne refait pas ça tout de suite !”
La discussion se poursuit. L’esprit s’en mêle : “oui c’est vrai, ça changerait quoi au sort du monde ? Celui de tes enfants ? Le tien ?”
“En plus, ce qui attend devant, c’est autre chose. Beaucoup moins d’hôtels, de ravitaillements possibles après Istanbul, les frontières fermées, les groupes armés”.
J’ai surfé un peu sur Facebook. Chercher l’inspiration. Quand on cherche, on trouve…
Alors le corps et l’esprit ont d’un coup senti qu’il fallait se préparer.
D’abord ce monsieur de 91 ans qui vient de terminer un marathon. Le 151e de sa vie. La vidéo disait “plus d’excuses”.
Ensuite j’ai découvert Peter Paltchik. Un judoka israélien de près de 100 kg.
C’est magnifique cette idée de se retrouver tous autour du sport. Le capitalisme et son lot de consommation et d’ultra compétition où seule une poignée sont élus, perturbe un peu la fête. Bon, c’est un sentiment personnel.
Mais est-ce inévitable que la fête devienne une scène du récit politique, de nos incompréhensions, nos enjeux de pouvoir, nos peurs finalement ? En quoi des athlètes russes ou israéliens sont concernés par les décisions de leurs dirigeants si l’objet est juste de se retrouver autour du sport ?
Peter par contre, il a semble t il pensé que c’était bien de mêler politique et sport.
Il a signé sur un missile destiné à Gaza “de ma part, avec grand plaisir”.
Charmant !
C’est toujours une mauvaise idée de réagir à une provocation. Ça envenime surtout pour moi face au monsieur de 100kg !
Une provocation, c’est lorsque personne ne risque sa vie par l’acte concerné en réalité.
Et puis je ne connais pas Peter. Peut-être qu’une personne qu’il aime fait partie des 116 otages toujours détenus selon Amnesty par le groupe politique Hamas.
Comment je réagirais à sa place ?
J’ai noté toutefois le témoignage de Ayala Metzger. Ses beaux parents ont été otage. L’homme est mort, 81 ans et sa femme a été libérée en novembre dernier mais est évidemment traumatisée. Elle dit ceci : « Notre gouvernement actuel a abandonné les otages ; il n’a aucun intérêt à les libérer, il ne prend aucune véritable mesure. Ce qu’il faut en priorité, c’est décider d’arrêter la guerre”.
Vu que Benjamin Netanyahou est allé aux Etats Unis cette semaine demander des milliards pour continuer à produire des missiles et donc s’en servir, on ne peut pas dire que ça en prend le chemin.
Alors Peter, je tiens à te remercier pour la motivation que tu m’as donnée. Sache que mon sport à moi, c’est de me placer entre ton missile et d’autres de nos frères.
Parce que la seule voie c’est l’amour.
Au judo, franchement, tu as pas mal de chances contre moi. Mais la partie que nous allons jouer, je vais la gagner.
Et tu sais aussi bien que moi pourquoi.
Parce que c’est toujours l’amour qui gagne à la fin.
…
Dans la foulée j’ai envoyé ce mail à notre ambassadrice à Istanbul. J’ai également informé un groupe de chrétiens Syrien de mon projet. Merci Nathalie.
Je vous la joins pour que vous sachiez vous aussi ce dont je vais avoir besoin. Ça doit s’appeler un soutien politique.
PS : En cadeau, quelques photos de Sofia.
——
Madame l’ambassadrice,
J’espère que vous allez bien.
Je me permets de vous solliciter.
Je m’appelle Antoine Vernier. Je suis parti d’Angers le 27 mai dernier en courant 1 marathon chaque jour, direction Jérusalem. Selon Google maps, il me faudra encore 53 jours pour y arriver.
Je suis actuellement à Sofia au terme des 58 premiers marathons.
J’espère être le 8 août prochain à Istanbul.
Je me laisse guider par un élan qui m’a conduit à penser que je pouvais participer à la Paix en poursuivant ma compréhension du pouvoir de l’Amour.
Sur notre site internet est décrit plus amplement ce projet auquel de nombreuses personnes participent :
Serait il possible d’échanger avec une personne de votre équipe pour me conseiller dans la traversée de la Turquie ?
J’ai aussi en tête qu’il est “formellement déconseillé” de traverser la Syrie. Vous pourrez peut-être m’aider à réfléchir à ma route après la Turquie.
Vous remerciant de votre action pour nos amitiés de nations et d’humains, et la suite que vous pourrez apporter à cette demande, je vous souhaite une très belle journée.
Très respectueusement,
Antoine
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.