Semons l'Amour

Marathons 62/100 : 42 km, (Plovdiv – Debar)

“N’être rien, peu y parviennent !”

Christian Bobin – un bruit de balançoire.

Hier soir, 20h30. J’écrase ma cheville droite de tout mon poids. Je ne sais pas pourquoi, à ce moment là je pense à Laurent Viaud, mon ostéopathe. Au fait que mon problème de tendon d’Achille est peut-être lié à un blocage à l’intérieur de la cheville comme il me l’a souvent montré.

Comme si, jusque là, j’avais préféré rester concentré sur une douleur bien localisée plutôt qu’avoir à regarder en face, le mur infranchissable d’un nombre de Marathons excessif.

Crac…

Ah ! Quelque chose s’est libéré…

Malgré ça. Nuit très agitée…

6h – Je suis sombre de l’intérieur. J’ai un genou à terre.

Il y a le défi physique bien sûr. Mais ça n’est pas le grand problème. Le plus dur ce sont ces attaques sous forme de points d’interrogations que je m’adresse à moi même.

Excès d’écran hier soir. De réseaux sociaux pour affirmer plus encore mes incertitudes. Plonger plus profondement dans le néant qui m’aspirait.

Un marasme d’affrontements, d’opinions, de Je dans lesquels je me suis noyé et que j’ai pris en pleine face. L’horizon devenait brumeux. Je pressentais même le risque, au-delà de lui, d’un mur brutal.

N’ai je pas moi même participé au bavardage ? A la confusion ? Aux oppositions ?

Pourquoi n’ai je pas su simplement écouter la peine de l’autre ? Surtout celle qu’elle a passé son temps à se cacher à elle-même…

Être là. Essayer de la comprendre. Entrer en compassion y compris avec ce qui m’échappe. Son nécessaire égoïsme. Lui montrer ma confiance dans sa force de vie.

Reconnaître dans sa solitude, l’indicible qu’elle cherche, les ombres qu’elle fuit, tout ce que je suis…

Je ne parviens pas encore à me relever. A partir.

Je suis en train de penser que ce long chemin me mène peut-être vers un implacable constat. Parce qu’à mesure que j’avance, que je rencontre, je vois bien comme nous sommes. Ces pelotes de laine infinies.

Ce que j’essaie de faire ne sert à rien. Tout est parfaitement bancal. Si ce n’est, peut-être, à accepter que je ne puisse rien. C’est cela qui n’est pas rien sans doute : entrer en compassion pour le monde. Pour elle. Pour moi-même.

Je me sens plus lourd encore. Parce que je crains que mes espoirs se soient nourris d’illusions, de prétentions, de manque d’empathie.

J’ai mis le second genou à terre.

J’ai fermé les yeux, comme on branche un ampli de 1000 watts et j’ai demandé au ciel de m’éclairer. Faut-il continuer ? Pour quoi faire ?

Je suis parti à 6h15 finalement. Le ciel n’était pas disponible ce matin. J’étais énervé et impatient. A 6h45, je sortais de la ville de Povlil et j’ai mis mes écouteurs pour écouter, pour la 10e fois sans doute, cette interview consolatoire de Christian Bobin.

Lui avait grandi. Sans bouger de chez lui. En regardant les traces de main sur les vitres. Et il me comprenait.

“Tu n’as rien, tu n’es rien. Mais tu es vivant. La joie, c’est juste cette conscience là”. Me rappela-t-il .

“L’amour nous dépouille. Il ne se passe jamais comme on veut”.

Au fur et à mesure de l’interview je la comprenais enfin. Je voyais comme nous avions faillit à nous trouver. Mais que nous ne nous étions jamais quitté. L’énergie qui était en train de me propulser, c’était ce feu indéfinissable qui me reliait à l’univers et qui était la mémoire de Nous.

Quelque chose remontait du sol. Une information de mes jambes soudain déliées, légères.

Il m’aura fallu attendre 62 marathons pour ne presque plus sentir de douleurs dans le tendon d’Achille droit. Je me vois stupéfait, courir comme si je partais pour 10 km un dimanche matin.

Le télescope recule. Je me vois traversant le vieux continent. A ce moment là, j’en suis de nouveau sûr, le monde entier peut changer en une fraction de seconde. Juste en faisant face à la Vérité.

Thierry Lyonnet, le journaliste qui interroge Christian Bobin lit alors cet aphorisme : “Le coeur, cette défaite prodigieuse”.

Il est 12h30, me voilà brûlant de vie fonçant sur l’hôtel. Les Négresses vertes sont venus m’accueillir. Le parking vide danse “Sous le soleil de Bodega”. Je tente de filmer la scène en même temps avec mon téléphone… Impossible !!!

Foutue technologie.

La serveuse du restaurant ouvre alors la porte en plein milieu de mon concert. Avec des yeux en accent circonflexe, elle me lance “I Can help you Sir ?”

RCF visages – Christian Bobin

PS : Merci à tous de vos soutiens. De vos partages. D’être en résonnance avec cette intention. D’être, à travers cela, sur le prodigieux et difficile chemin de la recherche. 🙏🏻💖

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