Marathon 12/100 : 45 km (Dancevoir – Langres)
Lorsqu’arrive le vide, la souffrance, le désespoir, les montées, comme dirait Joël, c’est peut-être une bonne nouvelle. Vous allez d’autant mieux apprécier la descente, vous allez découvrir certainement par ces adversités vos ressources, aspirer à mieux gérer la montée, finir par l’apprécier et savourer la perspective de grandir au travers de chacun de ces nouveaux cycles.
Dans mon cas, hier, je crois que ma vertigineuse chute d’énergie m’a ramené au seul instant présent, à chaque pas. On verra les grandes difficultés plus tard.
J’étais vide et j’avais besoin d’amour.
Et voilà ce que la vie nous a offert à Dancevoir…
Nous avons passé l’après midi sur des transats, installés dans la pelouse fraîchement tondue de nos hôtes.
Puis vers 18h, Pascal a montré la fantastique Gibson et son ampli qu’il venait d’acheter devant un Joël comme le jour de Noël.
Dire straits, Annie Lennox, Bob Marley se sont mis à faire danser les pierres et les roses de la petite ville dans une harmonie qu’auraient appréciées les mutuelles.
Et puis Bernard et Ghislaine sont arrivés. Bernard, c’est un Colosse qui aime la douceur. Je pense qu’il installe ses chaudières avec 2 doigts tout en déclamant des poèmes. Il me dit “mais tu devrais raconter ce que tu fais aux enfants”.
Beaucoup plus tard, lorsque les bouteilles de crémant sont vides, les desserts sublimes préparés par Corinne (glace, chantilly, kiwis), la compagne de Pascal qui nous a rejoint, on se dit qu’on devrait être reçu par Cyril Hanouna.
Corinne ne cesse de nous fait presque mourir de rire par son discernement, son goût de la vie, son franc parler. Elle s’occupe des personnes âgées. On sait bien que ce travail sous-payés est la grande école de philosophie. Alors on s’en remet à sa sagesse, être juste bien là, ensemble.
Ghislaine a une énergie dingue. Cette grande marathonienne qui est allée aux 4 coins du monde pour assouvir sa passion veut tout savoir.
Raconter un projet, j’ai l’impression que c’est déjà le faire exister. Surtout quand ça se termine par les riffs forts et beaux de Joël surfant de nouveau sur une Gibson qui fait pleurer les colosses.
On mange, on rit, on se raconte et on refait le monde. Une fois fait, j’adore tellement ce monde, ces personnes qu’il me paraît évident que je vais repartir. Que je vais atteindre la prochaine étape. Parce que leurs yeux nous renvoient la lumière que nous voyons en eux.
D’autant que c’est le jour des 12 ans de ma fille. Je suis loin, mais je sens que je peux passer par les étoiles pour lui envoyer mon cadeau.
Au matin, je me perds dans une forêt luxuriante. Un renard est surpris dans une clairière en dévers. La lumière lutte pour traverser les feuillages et brûler les gouttes de rosées.
Je savoure ces quelques kilomètres en trop sur le papier mais nécessaires à mon plaisir.
Vous savez, Marianne a raison bien sûr. On ne peut pas donner de l’amour avec une coupe vide. Dans mon premier film, j’avais choisi l’extrait de Xavier Perron d’ailleurs. Le spécialiste des Massaïs qui nous confiait ce proverbe auquel je pense souvent : “je t’aime, mais pas plus que je ne m’aime moi”.
Je crois que j’ai la chance qu’avec un tel projet, je ne peux pas manquer d’amour autrement que pour aller le chercher. Quand ça arrive, que j’ai trop donné, mon corps et mon esprit, pour avancer, vont chercher ce dont ils ont besoin.
Par contre, je crois que plus je vais chercher loin dans mes ressources, plus je grandis. C’est comme un ressort que je remonte le plus possible. Je pense qu’intuitivement, je sais que j’ai besoin de ces 100 jours pour tendre au plus ce ressort. Il y aura un moment précis où l’amour devra jaillir avec la puissance qu’on croira venue d’ailleurs, pour fissurer les murs réputés infranchissables. C’est cela que je veux essayer de faire.
Comprenez bien pourquoi c’est très important pour moi de courir constamment toute cette distance. C’est aller chercher la confiance de chacun d’entre vous. Cette confiance qui fera une passerelle entre “il a dit qu’il allait courir jusqu’à là bas. Nous pensions que c’était presque impossible. Et il l’a fait”. De l’autre côté de la passerelle chacun aura aussi en tête, “il a dit que nous pouvions arrêter la guerre”.
Là, vous et moi, nous nous ouvrirons à un champ des possibles que nous n’avions pas osé regarder.
Plus je remonte mon ressort, plus moi-même je crois en moi, en la vie, en chacun de vous. Parce que je l’aurais expérimenté.
Km14, je retrouve la route, puis un café, une tartelette aux abricots, des personnes adorables…
La chaleur s’installe sur le deuxième tiers, mais grâce à la soirée d’hier et l’abondante nourriture, l’énergie est là. Je vois déjà les bougies et la joie d’Elea qui va apprendre que j’ai couru pour elle aujourd’hui. Et que j’étais tellement heureux de saluer tous ces jours vécus à ces côtés. D’apprendre à la connaître.
Des hommes sortent au bord de la route pile au moment où j’ai besoin d’eau. Noël Devillepin et son humour. L’agriculteur à la retraite Daniel Siméon. “Je vais à Jérusalem.” Lui dis-je – “ah ben vous n’y serez pas ce soir” s’amuse celui qui a l’esprit pratique par nécessité.
Et puis “Joël jambes d’aciers” me retrouvent lui aussi. Me dépassent exactement, 8 km avant l’arrivée.
Juste le temps pour moi, de plonger dans un ruisseau d’une fraîcheur ressourcante. Histoire que ma fille puisse constater, par caméra interposée, que je sens très bon, voire comme l’eau des rochers, après 45km.
On danse à cette arrivée. Parce qu’aujourd’hui c’était bien.
Au point d’espérer beaucoup pour demain.
Je dédie cette étape à ma fille, et à tous les enfants du monde. Spécialement ceux dont les parents ont été remplacés par des silences ou des bombes.
A demain, on l’espère, dans la ville des beaux t-shirts.
#Saint-Marcel
PS : Merci à tous d’être avec nous et d’être qui vous êtes du mieux que vous pouvez. PPS : Attention, vous êtes peut-être vous aussi montés sur le ressort.
PPPS : à découvrir, l’interview du plus merveilleux hôte de Dancevoir, Pascal :
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.