Marathon 15/100 : 45 km (Luxeuil les bains – Belfort)
Ce matin, je n’avais pas envie de partir courir. Ce n’était pas le corps douloureux, les efforts à faire. C’était l’envie. La motivation. Parce que quelques détails ne s’étaient pas passés comme je le voulais, je n’ai pas pu correctement récupérer. J’étais rechargé qu’à 20 %.
Alors le cri des urnes, le DJ des bureaux de vote qui lance à la foule en délire la main sur l’oreille “comment, je n’ai rien entendu !!!”
Et la foule, chauffée à blanc à coup d’inflation, d’images de fin du monde, de violence gratuite, de distractions obscènes et de solutions toutes faites, se leva en 2 tours : “oui, grand DJ, protège nous des autres” !!!
Et moi, je dis à la boulangère “je cours 100 marathons pour arrêter la guerre. En montrant que je crois au pouvoir de l’amour”. 2 salles, 2 ambiances.
Parfois, je vois une cliente dans une boulangerie qui est fascinée un instant. Comme si les rêves existaient encore. Mais elle s’empresse d’ajouter croyant avoir une pensée libre “Moi je n’y crois plus. C’est trop compliqué !”
Alors ce matin moi non plus je n’y croyais plus. Je me suis levé en bougonnant mécaniquement des histoires de duvets et de chaussettes mouillées auprès de Joël et je suis parti affronter l’horizon.
J’y suis allé quand même parce qu’il y a eu cet appel que j’ai ressenti. Il est dans mon sang dorénavant. Quoiqu’il se passe, je crois que je devrais obéir et que je saurais le chemin.
Les champs de blés baignés de soleil, les nuages frustrés de ne pouvoir courir, m’attendent comme chaque matin. Malgré tout, Km10 je ne décolle toujours pas. La faim me tiraille, la fatigue aussi.
Alors j’ose aborder une femme ouvrant ses volets dans un village de 4 maisons. Elle s’appelle Emilia. Elle retourne chez elle, comme ça. Juste pour aider. Elle revient les mains pleines de compotes et de gâteaux de riz bio.
Je tends un billet. Elle le refuse. A ce moment là, l’émotion m’envahit. Émilia vient de faire la démonstration implacable que tout peut être simple et que le monde entier peut changer par un seul acte d’amour.
Ensuite, je peux enfin laisser le silence entrer en moi. Mes pensées flottent. Elles laissent mon esprit voler là où il aime respirer et danser. Avec mes frères Les nuages, caressant les cimes des arbres. Les kilomètres défilent…
Je m’arrête sur ce pont, km33 où Saint Germain joue au jeu des poteaux avec Marie. Ça m’amuse de m’asseoir à côté d’eux, comme on disserterait sur le beau temps avec 2 amis. Mon téléphone m’alerte alors d’un message. Ce sont les paroles d’une chanson de Brel qu’une personne qui me connait bien m’envoie :
“Quand on n’a que l’amour
Pour tracer un chemin
Et forcer le destin
A chaque carrefour
Quand on n’a que l’amour
Pour parler aux canons
Et rien qu’une chanson
Pour convaincre un tambour
Alors sans avoir rien
Que la force d’aimer
Nous aurons dans nos mains
Amis le monde entier”
Vous voyez comme tout le monde, je me fais prendre au jeu de croire les histoires que l’on me raconte. Le challenge c’est de voir l’invisible. De voir dans cet invisible que nous sommes liés, éternels et que tout est possible. Qu’avec le cœur suffisamment entraîné on peut le sentir.
A mon stade, il me faut ces SMS qui me renverse l’âme.
Je crois important d’être lucide sur ce monde. Je vous écris de la piscine où un maître nageur surexcité fait danser 60 femmes dans une joie d’enfant à batifoler dans la piscine de Belfort. C’est un spectacle dont on devrait faire un 20h entier. Il faut tout faire pour protéger cela. L’arme, c’est l’espoir.
Pour ce projet, je suis celui qui devra en garder la flamme.
Enfin, je vous partage une interview de Christian Bobin qui a couru les 10 derniers kilomètres du marathon avec moi. Il est vraiment très fort et très vivant !
A demain à Altkirch.
Où l’on rencontrera Caroline.
Merci à tous de vos soutiens, de vos pensées, de vos actes quotidiens, de ce que vous faites pour les autres, pour nous, pour vous.
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.
Cher Antoine, cher Joël,
Je vous suis en lisant chaque jour les textes écrits.
J’en parle, je diffuse : cela me rend joyeuse. Pourquoi ? Parce que vous osez…et que moi, pas encore.
Parce que beaucoup de personnes sont en train de vivre un marathon personnel dans leurs vies (dont moi). L’authenticité de vos témoignages aide aussi à affronter les hauts et les bas, par graines d’amour.
Tous les 15 jours, je communique en Whatsapp vidéo avec ma nièce qui est en stage aux Etats-Unis un peu seule et qui souhaite que je lui raconte les détails de vos rencontres, de votre courage, de votre parcours.
À chaque nouvelle ou journée difficile, je vous lis ou relis, me rappelle ce qui illumine le regard d’Antoine et le sourire de Joël.
Alors, merci…
Discrètement présente, là, en souhaitant très fort que ce projet continue, dure longtemps.