Semons l'Amour

Marathon 88/100 : 59 km, (hôtel Mylos – Antalya, Marka hôtel)

La vie parfois ne fait pas de cadeaux. Dans mes rêves, j’atteignais aujourd’hui un hôtel à 5 min de la Mer à Antalya. A moi les toboggans, les hamburgers végétariens en terrasse, les jolies lumières le soir sur les devantures des hôtels avec leurs vacanciers joyeux.

Sauf qu’à 6h, je vois les 53 km qui me séparent de mon rêve comme un cauchemar.

Il fait déjà 28 degrés dans les montagnes, mon lit est trop confortable et c’est trop loin.

Comment il fait Kilian Jornet. Le champion de trail qui est actuellement en train d’enchaîner plusieurs sommets par jour de 4000 m dans les Alpes.

On ne doit pas avoir les mêmes chaussures. Je ne vois que ça !

Mais il est humain. Comme moi. Donc potentiellement cela est possible. Je me fixe d’atteindre un petit village à 36 km.

On verra là bas. Pourquoi pas prendre un bus pour finir… Après tout j’ai des kilomètres d’avance.

Sauf que tiens je le précise là, si j’ai un marathon d’avance, c’est parce que je calculais sur les journées où j’ai couru. Or, il y a eu 2 jours où je n’ai pas couru ayant, à ce moment là de l’avance (accueil de mes enfants, ambassade à Istanbul). Peu importe, je ne rattraperai pas. Je n’ai pas l’ambition de Kilian de montrer l’incroyable potentiel du corps. Moi, je suis plus un individu normal qui dit que nous disposons tous d’une force qui peut nous permettre de réaliser des miracles. Et je l’appelle l’Amour et que ça peut avoir des usages bien plus intéressant qu’user des chaussures. Mais l’un n’empêche pas l’autre. 😊

Sur cette histoire comptable, je pense ce sera très bien si je parviens à 100 marathons en 102 jours. Comme ça je garde mon avance et je peux à présent réduire en m’offrant une semaine de vacances à Antalya. Au programme, petite course de 35/38 km le matin et préparation du final, Chypre/ Tel Aviv/ Gaza / Jérusalem. Et bien sûr profiter des toboggans et de l’incroyable ville d’Antalya. Je crois avoir bien mérité de profiter enfin pleinement d’un lieu. Dans l’histoire du monde on nommera cette période là semaine “marathon des toboggans”.

Pour en revenir à la journée d’aujourd’hui, à l’image du compagnon de route inattendu, une tortue (voir photo), j’étais manifestement en train de lever l’armée de la lenteur, voir de la stagnation.

Le gentil monsieur du camping m’avait dit, t’inquiètes il y a une épicerie au km8.

Effectivement ils ont ma boisson magique. Mais sous verrou. Personne.

Je rame alors, la gorge sèche sur les 12 km suivants qui vont en réalité se transformer en 18 km. Du haut des montagnes on aperçoit déjà Antalya établit entre la Mer et les hautes montagnes tout autour. Mais c’est si loin.

Une manière de relativiser les problèmes, c’est de s’en rajouter.

Faute d’attention. Une bifurcation loupée. En vérifiant mon GPS, déjà au bout de ma vie à cause de la chaleur étouffante, je découvre le petit point bleu, moi, à 3 km à côté de mon itinéraire.

Bien sûr que c’est la faute des Dieux.

Heureusement, comme j’ai tout d’un pauvre pêcheur, aucun état d’âme, je positive en me disant “trop bien, des kms en plus que je n’aurais pas à faire plus tard”.

2 tracteurs me doublent. Je baisse la tête pour éviter de trop les tenter de s’arrêter pour me sauver. Pas du tout sûr de résister cette fois. De trouver une bonne raison pour ça.

Ils lèvent le pouce, quelques mètres devant moi. Ils me laissent là comme une saucisse abandonnée sur le barbecue. M’offrant un peu du mazout de leurs vieux engins agricoles.

J’aperçois enfin le minaret d’une mosquée, donc de l’eau. Et là miracle, un café, un frigo et pleins de merveilleuses petites canettes de sodas.

Le patron me prend en affection avant de découvrir le risque de vider son frigo.

Requinqué, je boucle les 9 km suivants pour atteindre les 36km devenus 42.

Devant moi, 18 km pour atteindre Antalya, la Mer, l’hôtel et la situation confortable pour les prochains jours.

Je mange, je dors. …Et je relace mes chaussures.

Il est 15h45. La température va commencer à baisser. Il y a 9 km à traverser pour arriver dans la grande ville, découvrir les visages, pouvoir m’arrêter à tous les bars pour fêter cette glorieuse arrivée.

Je mets mes écouteurs. J’écoute ce moine poète parler de la révolution nécessaire pour que les religions deviennent un champ de questions, d’interprétations qui nous réunissent autour des noirs et des éclatants blancs de nos miraculeuses, douloureuses et joyeuses existences.

Oui je sais, c’est du dopage.

Vous pouvez vous aussi prendre une dose, sans même user vos chaussures. Cela dit.

François Cassingena-Trévedy, RCF Visages

Quel bonheur d’arriver, voir tous ces visages que j’essaie de deviner. Qui me voient, qui semblent savoir parfois. Un sourire partagé qui nous fait observer “oui la vie est incroyable. Et encore on n’a pas vu demain”.

Bon en parlant de ça. J’ai quand même bien forcé. J’ai marché les 5 derniers kilomètres heureusement. J’espère m’être arrêté assez tôt assez avant une petite blessure…

Voilà, c’est une étape importante qui vient de se terminer.

Je tiens à vous remercier tous pour votre soutien qui m’a tant aidé à aller jusque là.

J’ai pu exprimer bien plus que je n’aurais cru possible.

Je suis le premier étonné de ce que nous avons pu accomplir.

Pour moi, cette réussite c’est celle qui permet de regarder droit dans les yeux, sans prononcer ni mot, ni jugement envers ceux qui participent à tuer, en particulier des enfants au nom de la paix, qu’eux et nous savons que cette équation est un mensonge. Ces crimes sont commis au nom de la peur.

Nous avons tous des peurs, mais l’horreur serait de ne pas croire que nous pouvons évoluer. L’horreur, ce serait de croire que nous n’avons pas tous le droit et la capacité d’aimer et d’être aimé.

2 phrases de l’interview du moine François qui m’ont marquée qui doivent refléter quelque chose en moi

“Je n’ai soif que d’un immense retirement.”

Dans le prologue : “le véritable amour”. Fin du quantique des quantiques : “Fuis mon bien-aimé”.

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