Marathon 56/100 : 49 km, (Bela Palanka – Dimitrovgrad)
“Ne crois les pensées dans ta tête que si elles te font du bien !” – Jonathan Lehmann
Lundi 22 juillet – 19h30
– Manoir de Hidden Hill – Beverly Hills –
La journée fût rude pour Madonna. Elle espérait qu’enfin le premier ministre portugais lui confirme qu’elle pouvait entrer sur un cheval dans le palais Quinta Nova da Assunçao.
Et puis cette rencontre interminable pour regarder les options d’un nouveau concert événement avec son manager, Barry White. Elle lui pardonne tout, à cause de son patronyme tellement à l’opposé de son physique. Ça la rassure qu’il n’ai jamais été jeune.
Heureusement elle vient de terminer une séance de cardio avec Stewart, son nouveau coach. Lui est hyper sexy. 22 ans. Ça ça la rassure aussi, même si elle sait bien qu’à 1000 dollars de l’heure, c’est le minimum qu’il se montre fasciné par elle…
Juste avant d’entrer dans sa salle de bain préférée, s’affiche sur son téléphone un message de Barry : “Look at that. He want you : https://www.semonslamour.org/home-page/“
Elle ne sait pas pourquoi, il y a comme une flamme qui vient de s’allumer en elle.
L’eau lui caresse le visage, puis elle glisse. L’eau , pas elle.
Sa poitrine s’éveille telle la nature dans l’aube chaude. C’est elle lui rappelle alors qu’elle est la reine de la pop. Mais c’est lorsque son ventre se réveille qu’elle perd le contrôle.
Elle ferme les yeux soudain, comme prise d’une énergie inattendue et désirée depuis des siècles. De l’intérieur, son corps se met à rayonner. Elle se retient au marbre rose. Donc là elle glisse.
Laissant l’onde d’éternité la posséder.
A 20h, le pont de San Francisco s’est fissuré.
Sylvester Stallone est sorti voir d’où venait ce gémissement. Il voit alors que les 1245 M2 du manoir de Madonna sont devenus incandescents.
19h30 – Pyrénées orientales, près d’Argeles sur mer –
Francis a préparé une salade avec des graines germées et quelques pâquerettes ramassées lors de sa randonnée à Ladignac aujourd’hui. Il sait que sa compagne va aimer cette attention.
Mais son chien manque de le faire trébucher alors qu’il ouvre la bouteille de rosé. Il évite le pire. Sourit.
Il se dit qu’il a une chance incroyable. Que sa vie est extrêmement privilégiée.
Alors il s’assoit dans le canapé et ouvre Facebook. Un petit plaisir ces derniers jours. Un truc qui, avec le rugby et Étienne Daho, lui permettent d’être confiant en l’avenir.
Ce truc c’est savoir si son vieil ami, Antoine Vernier a réussi à faire son marathon aujourd’hui. Voir s’il a encore l’énergie pour faire des blagues.
A 20h, son amie est arrivée depuis 10 minutes déjà. Ils ont parlé de leur weekend à venir. D’amour aussi. Et puis soudain, elle l’embrasse comme si c’était la première fois.
19h30 – Camp de Nousseira – Bande de Gaza –
Nahim a 8 ans. Nadia est morte lors de l’attaque d’hier. Il ne reste qu’un bout de son éternelle robe rose.
Ce sont ses parents à son amie Nadia qui s’occupe de lui désormais.
Sa mère à Nadia, elle ressemble un peu à la sienne. Alors il aimait lorsqu’elle venait chanter doucement le soir, pour éloigner leurs peurs quelques instants.
20h
Dans la pièce qu’il ne partage plus qu’avec les frères de Nadia, il ne lutte pas seulement contre son ventre que la faim déchire. Il lutte pour se protéger des sanglots inconsolables de la maman de Nadia derrière la porte.
Alors, comme à chaque fois qu’il croit lui-même mourir, qu’il l’espère même, il sort de sa poche ce petit morceau de verre qui ressemble à un coeur.
Il se souvient du jour où, sur la plage, sa maman le lui a tendu.
En fixant ce petit bout de verre, éclairé par sa bougie, il croit soudain voir sa maman apparaître. Il regarde plus attentivement. Il l’a voit.
Elle lui redit alors les mots gravés qu’elle avait prononcé sur la plage : “tu vois ce bout de verre. C’est mon cœur. Je te le donne pour que nous soyons toujours ensemble”.
19h30 – Dimitrovgrad – hôtel Happy –
Je ne sais pas ce que je pourrais raconter aujourd’hui.
En tous cas, c’était incroyable de réussir celui-là. J’ai eu beau couper en 2. Pour me dire “juste 26” puis après “juste 23”, j’étais au bout.
2 choses m’ont marqué.
Le prêtre de ma commune, Gérard Fouquet m’avait dit “tu feras une rencontre”. Alors je m’y attends. Ce n’était pas elle aujourd’hui. Mais quand même.
Dans cette longue ligne droite de 17km, je voyais cette silhouette perdue.
Une vieille dame à pied, avec des habits sales, noirs, étouffants. Elle devait marcher comme ça longtemps sous la chaleur.
Que faisait elle là ?
Et puis quand je suis passé à sa hauteur, son visage s’est éclairé. Elle m’a sourit comme pour dire “la vie est belle. Tout va bien. Un instant suffit pour éclairer et changer le monde. Merci de notre lien”.
Il me restait seulement 8 km lorsque j’ai enfin trouvé une épicerie pour reprendre de l’eau. Ils n’avaient pas la boisson isotonique qui empêche à l’eau de lessiver mon corps.
J’ai pris l’eau quand même…
2 km plus loin, la sensation de chaleur soudain m’étouffe. Le coeur envoie les signaux annonciateurs que j’avais eu déjà mais sans les voir. Sans être capable de les comprendre, d’y réagir…
Je réussis en ralentissant, en respirant à fond, à éviter le pallier du déraillement.
Je songe que je suis au milieu de nul part.
Qu’un mauvais script est toujours possible.
Me viennent alors ces images de Madonna, de Francis, de Nahim. Une énergie inconnue me parcourt. Je sais par elle, que ça n’est pas cela qui est prévu. Alors je me détends et reprend ma course. Ce scénario n’arrivera pas. Ce qui est prévu est grandiose. Indescriptible !
Qu’il me sera donné de participer au plan. Un plan qui nous unit et dans lequel nous avons chacun notre rôle.
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.