Marathon 32/100 : 47 km, (Greifenburg – Pobersach)
La Force
“Avec les réseaux sociaux, aujourd’hui on a tendance à se trouver tous différents. Si les différences servent à nous enrichir les uns des autres c’est une bonne chose. Mais si elles servent à nous opposer les uns aux autres, elles sont dangereuses“. Gérard Fouquet dans le film “24h pour s’aimer”
J’ai construit le film 24h pour s’aimer sur la base des 10 min d’interview de Gérard Fouquet recueilli par Jérôme Foyer, notre Maire. Il a 93 ans Gérard. Il vient de se faire opérer d’un cancer de l’oreille et il est mon voisin et ami.
Pour ceux qui ne l’aurait pas vu, vous pouvez retrouver ce film en ligne et vous comprendrez sans doute pourquoi cet homme a joué un rôle capital dans mon parcours.
J’en dis un peu plus. Plusieurs fois, il a parlé de moi comme d’un prophète. Sans bien connaître à ce moment là le terme, ça me mettait un peu mal à l’aise.
La facilité aurait été d’évoquer la fatigue du grand âge. Sauf que, chaque fois que je l’écoutais parler de la vie, tous ses mots, comme Christian Bobin peut le faire, éclairaient ma vérité personnelle.
Pour résumer cette journée, je pourrais évoquer votre plus beau souvenir de vacances mais aussi votre pire séance chez le dentiste.
Mais je vais plutôt opter pour vous raconter l’échange que j’ai eu hier avec la rédactrice en chef du magazine running attitude. Alice Milleville dont j’ai beaucoup apprécié la sensibilité et le discernement.
L’échange était enthousiasmant. Elle a dit “votre démarche n’est pas courante. J’ai des questions qui se bousculent. Je crois que vous avez raison. Que c’est le chemin à prendre“.
Cela dit, aujourd’hui j’ai ramassé grave. Impossible de courir la première heure. Mauvais dîner, absence de déjeuner, des tendons agonisants… Je ne sais pas.
Puis un délire d’ingénieur routier autrichien, 5 km à 15 %.
Après ça, j’ai finit par trouver un rythme de croisière, découvert l’un des joyaux de ce pays : le lac Weissensee. L’opale, les cabanes, les forêts, les Autrichiens heureux de profiter de leurs bonnes fortunes sur des pelouses toutes identiques et confortables comme un matelas king size. Une abondance sur 14 km mais sur laquelle peu s’aventure, tant le parcours est exigeant.
Arrivée au bout de ce lac, il me restait encore 25 km.
A la question de Alice sur comment on réussit à enchaîner autant de Marathons, la vraie réponse était “comme on peut”.
Mais hier soir, tranquillement allongé sur un lit molletonné j’ai dit, sentencieux :
Le monde de la course à pied à évolué dans ses connaissances. A l’époque de Zatopek on pensait qu’il fallait faire le maximum de kilomètres pour progresser.
Puis on a commencé à découvrir l’intérêt du travail qualitatif : moins mais mieux. Aujourd’hui on parle beaucoup d’entraînement croisé : utiliser d’autres disciplines complémentaires pour travailler la puissance, la souplesse, la proprioception…
Moi, je crois qu’un saut de compréhension va bientôt avoir lieu. Nous allons découvrir la force de la conscience.
Km43, je déboule dans un restaurant. Enfin ! J’ai faim, je rentrais en hypoglycémie. Probablement une chance. C’est comme une sortie de corps l’hypoglycémie. En plus aventureux je dirais.
Libéré des douleurs, le corps aurait enfin pu boucler les 4 derniers sans ciller. La bande d’habitués du restaurant remplit mon bidon (de 75 cl), m’offre des gâteaux, me sourit. Voilà l’Autriche version campagne. Un peu précaire, féru de bières, simple et surtout, comme partout je crois, solidaire et généreux par raison.
Attention, précisais je à Alice, la puissance de la conscience ne s’oppose pas à tout le reste. Si tu n’as jamais couru de ta vie, que tu n’as pas mangé et pas dormi, tu ne vas faire un gros marathon.
Mais à qualités égales, celui qui est capable d’utiliser sa conscience peut aller chercher la force de l’amour et alors il réalisera ce qui apparaîtra comme des miracles.
Je crains de l’avoir un peu perdu. Alors j’ai eu besoin de préciser : nous vivons sur le paradigme matérialiste. Quand vous dormez ou que vous êtes mort, il ne se passe rien. Mais si on admet un autre paradigme, dont nous parle le médecin psychiatre Christophe Faure par exemple, “la conscience est indépendante de la matière” alors on peut comprendre plus globalement pourquoi une pensée positive va vous rendre plus performant.
C’est ce que font tous les sportifs qui travaillent avec la préparation mentale. Mais ça, c’est la petite échelle.
Penser, c’est se placer au niveau de la conscience. Il y a ces expériences où ces mères voyant leur enfant pris sous une voiture, se retrouve par réaction à la soulever. Je crois parce que leur conscience pense : “je dois régler ce problème”. Alors leur corps trouve la solution. La conscience transforme la matière.
Pour aller à Davos, je pense j’ai fait une chose qui surpassait tous les entraînements, j’ai accueillit l’idée que j’y arriverais parce que c’était important.
J’ai une longue expérience et un important entraînement de mes capacités physiques. J’essaie de gérer au mieux l’alimentation, le sommeil, la récupération avec les contraintes propres à ce projet. Du genre, le menu du camping c’est frite ou croque monsieur. Bref, je respecte les règles de la matière.
Mais toute la différence se fait chaque jour sur le fait de croire important d’aller à Jérusalem. De rallier chaque étape. Et pour faire ça, lorsque c’est difficile, ma conscience va puiser aux sources de l’amour. Dans ces moments où nous étions un. Dans ces moments où nous sommes éternels et où j’ai vu à quel point tout est possible. La mémoire de cela ne peut subir le temps. Elle est dans mon sang.
Je galère souvent parce que je suis un banal être humain. Mais à certains moments, je sens cette réserve infinie dans laquelle je pourrais puiser si j’en ai besoin.
Et ça je crois que c’est ce que vous devriez laisser entendre à tous ces hommes qui lisent votre magazine. Qui courent pour éprouver leur force, la maintenir. Parce que ce monde ne semble plus attendre cela d’eux. Que ça crée un vide qu’ils sentent au fond.
Moi je dis que j’ai besoin qu’ils aillent la trouver. Qu’elle existe et qu’elle est à portée d’eux. Par l’exercice de faire corps avec leur conscience.
A demain, pour continuer d’expérimenter…
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.