Semons l'Amour

Marathon 26/100 : 43 km, (Sluderno – Rabla)

Je tiens d’abord à m’excuser auprès de Katia. Je vais te faire gribouiller toute ta feuille en modifiant complètement le parcours initial.

Aujourd’hui, c’était plat, le temps était idéal et j’aime avoir une marge au cas où. Alors j’ai allongé la distance pour aller droit sur un hôtel où je pensais pouvoir me poser toute l’après midi.

Besoin de bien récupérer et anticiper le prochain verre que j’ai envie de remplir. C’est une dédicace à Marianne et Karine H qui me suggèrent de considérer que 25 marathons, c’est 1 verre plein et qu’il n’en reste plus que 3 à remplir. Et aussi cette idée de se fixer des objectifs en fractionnant le but.

Le prochain verre que j’ai envie de remplir, est plus petit mais bien relevé. C’est 13 marathons pour sortir des Alpes et retrouver mes enfants en Croatie. Ça c’est du remontant !!!

Ça représente 500 km et plus de 5000 m de dénivelé positif dont 2 ou 3 marathons qui vont piquer plus que les autres.

Alors aujourd’hui, Les 43 kms se sont déroulés avec beaucoup de plaisir et en 2 parties.

Je Visais initialement Laces, km26.

Difficile de sortir du confort de l’hôtel dans lequel j’étais. D’autant que le corps met bien 1h à insister sur les points à surveiller.

Google quant à lui ne me proposant que la route nationale, j’essaie de ne pas trop m’arrêter. La route est très passante, étroite mais plutôt plate. Alors je fonce du mieux possible en me calant instinctivement à la place que me laissent les autos.

C’est plat parce que c’est un fond de vallée squatté par des producteurs de pommes visiblement encouragés par le monde entier.

Je vois ces pommes comme une parfaite allégorie de notre folie. Des rangs à perte de vue. Des pommes presque toutes identiques, serrées, à la peau dure comme si elles se recroquevillaient. Beaucoup tombent avant même de grandir, avant même de se faire asperger par on ne sait quel produit.

Il y a pourtant les montagnes tout autour, l’ivresse des sommets vers lesquels elles n’ont même plus eu l’audace de s’imaginer rejoindre les sentiers où l’on se perd. Pour s’approcher un peu du ciel. Pour voir.

La liberté est tout autour, mais sous nos yeux, la frénésie des tracteurs, les caisses empilées hautes comme une église qui attendent les tractations des ordinateurs du monde. Et parfois, au bord d’un champ, un cerisier égaré, les branches qui s’étalent comme on se réveille un jour de vacances. Ses fruits sont dodus, baignés de vie. En croquant cette joyeuse chaire, on sent le fil qui sépare le paradis de l’enfer. Là, j’ai du soleil plein la bouche.

A 9h30, je suis à Laces, km26. J’ai donc plutôt tendance à me dire que je pourrais profiter d’avoir du temps et une bonne météo pour avancer un bon moment encore.

J’entre dans une boulangerie café. Un festin m’attend pour 7€. Merci les amis Suisses qui me font dorénavant trouver tout pas cher.

Dans le ballet des clients, mon attention est retenu par un policier municipal. Il est très grand. Il a un peu de ventre. Il a cette arme à la ceinture mais on sent qu’il en est presque désolé. S’il faisait mal à quelqu’un ce serait probablement en lui marchant sur les pieds et il en serait confus.

Une jolie femme, un peu plus âgée que lui a un charme dont elle connait le pouvoir. Ils se connaissent. Elle l’invite avec d’autres amis à sa table. Il aimerait croire qu’il peut décider de quelque chose dans cette vie. Il hésite, s’assoit et sourit.

Lorsque je pars en saluant l’assemblée, le policier m’interpelle en italien, puis en anglais.

“Vous ne devriez pas courir sur la route, c’est dangereux”.

La femme et son petit groupe écoute l’homme de Loi faire son travail.

“Oui je comprends ce que vous voulez me dire. Mais est-ce interdit ?”

“Non” concède t il ! Observant lui même les conséquences de sa réponse.

Je commence ainsi : “Je vais à Jérusalem en courant pour essayer d’arrêter la guerre...”

La femme qui capte l’attention des autres s’arrête soudain. Mais elle n’ose intervenir.

“J’essaie de faire du mieux possible mais regardez, Google ne me propose pas d’autres chemins”…

Alors il regarde et ils s’y mettent à plusieurs pour m’expliquer une piste cyclable le long d’une rivière qui mène à ma destination. C’est en sentant leur envie non plus de m’éviter d’être un danger pour les voitures, mais que je puisse profiter d’un chemin agréable qu’ils m’ont donné envie d’emprunter leurs indications qui allongent la journée de 2 km.

Et effectivement, c’était un bonheur.

Vous vous dites sûrement, parce que vous êtes très sympas avec moi, que c’est quand même dangereux les routes…

Moi je pense souvent à la grenouille que l’on fait cuire à feu doux dans une casserole. Au début, elle se baigne et puis elle trouve l’eau plus chaude. Elle est contente. Elle s’habitue et ne se rend pas compte qu’au bout d’un moment il est trop tard et elle se fait ébouillanter.

Quand je suis sur ces grandes routes à voiture, je me sens comme une grenouille libre qui pique les fesses de la grenouille menacée d’être ébouillantee. Un tout petit peu. Pas pour l’embêter. Juste pour essayer de la faire bouger parce que je crois qu’elle est en danger.

Toutes ces autos me voient. Beaucoup me sourit, m’encouragent. Certains ont peur. Il arrive qu’on me klaxonne. Une fois aujourd’hui sur 300 voitures peut être.

C’est pour moi un petit dérangement que je leur impose. En toute légalité et qui a la capacité de les amener à penser, mais pourquoi court-il ici ? Si je ralentissais, ce serait peut-être moins dangereux pour lui ? S’il y avait moins de voiture aussi ?

Si je descendais pour le rejoindre et aider d’autres grenouilles à sortir de la marmite…

C’est important de rêver je crois. Surtout quand je peine à trouver une solution idéale.

Parce que d’autres fois, je me dis que je ne suis qu’une miette de pain sur un canapé. 😅

Moi-même j’ai horreur de ça et d’un revers de main, je vous le confie, je fais le ménage.

C’est pourquoi, je crois que le policier m’a fait un énorme cadeau pour cette seconde partie du parcours. 😁

PS : merci de tous vos messages de soutien. C’est extrêmement précieux et ça m’encourage beaucoup.

PPS : j’ai fait un rapide montage pour résumer les bons moments des 23 premiers marathons. Vous aurez peut être plaisir vous aussi à le découvrir ici : https://youtu.be/IfwgZAVjZew?si=2JLXvGlBoUGBGquX

PPPS : “J’ai rencontré quelques peines, j’ai rencontré beaucoup de joie. C’est parfois une question de chance, souvent une histoire de choix”, transmis par Éléa

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