Marathon 18/100 : 58 km (Seewen – camping Sursee Waldheim)
On doit d’abord remercier Peter pour la nuit d’hier. Tout a commencé devant l’église de Seewen où nous avions rendez-vous pour l’arrivée avec Joël.
Pas de Joël, pas de vélo, pas d’affaires à mon arrivée à 14h30.
Alors, avec mes jambes en carton, on s’est allongés sur le tapis d’entrée de l’église. L’organiste, à peine surpris, m’a conseillé un meilleur endroit pour le campement : le parc du musée de la musique en haut de Seewen.
Joël finit par arriver, poussant, comme Conan le Barbare, son vélo qui dans la côte de l’église, ressemble plus à un bus chargés de touristes américains. D’autant que son retard s’explique par un passage au ravitaillement. L’homme providentiel détient ainsi une gamelle pleine de protéines végétales salvatrices qu’il me tend. Tenant, si vous suivez toujours, de son autre bras le bus.
Je me douche rapidement au robinet du cimetière et nous voilà débarquant devant Peter et le musée qu’il gère.
On est en Suisse, vous verrez rarement, j’imagine, quelque part dans le monde, un directeur de musée dire à 2 sportifs : “installez vos tentes, votre fil à linge et votre réchaud dans le parc”. Et c’est pourtant ce que fait Peter. En plein sur la terrasse, vue sur la vallée. Il nous ouvre l’eau aussi et l’électricité. Royal ! Surtout à cause de ce sentiment d’être accueillit.
Il fallait au moins ça pour affronter les 58 km du jour. D’autant que nous sommes désormais à la montagne avec des étapes présentant des dénivelés positifs de l’ordre de 1200 m. On estime en course à pieds que cela revient à ajouter à un circuit plat environ 12 km.
Ce défi dans le défi provient de ma décision d’il y a 2 jours de rejoindre … Suspens !!!… “Le sommet de la paix” qui est organisé samedi et dimanche en Suisse. Voir les articles. Je vais y revenir. Mais en attendant, quelques mots sur l’étape du jour.
Alors je vous la fait courte, c’était long. J’ai mis 9h. Joël 5h.
Pour rester sur notre timing de retrouvailles de mes enfants, samedi qui vient, j’aurai également une nouvelle étape de 58 km.
La récupération va donc être décisive. On en discute beaucoup avec Joël pour optimiser tout ce que l’on peut optimiser.
C’est principalement le mental qui cherche son énergie.
Et aujourd’hui je l’ai trouvé dans les 20 premiers kilomètres qui étaient de toute beauté.
Et puis dans un village, il y a eu cette petite fille. 8 ans peut-être. Les autres enfants chahutent au fond du bus. Elle est sagement installée à l’avant. Quand elle me voit, elle sourit. Spontanément elle me fait coucou pour immédiatement marquer une timidité. Comme si elle se demandait elle même s’il était convenable de faire ce geste.
Je lui souris comme si j’avais vu une princesse. Quelqu’un que je reconnaissais. Son bus me dépasse de nouveau. Je sais qu’elle a lu à cet instant sur mon t shirt ma destination. C’est ainsi qu’une enfant me rappelle que l’essentiel d’une connexion entre 2 êtres n’a pas besoin de mots.
Km35, je croise sur la place du village ce groupe de jeunes suisses qui veulent me vendre des gâteaux pour financer leur projet estival. Je n’ai pas de francs suisses alors ils se détournent de moi…
Ça m’affecte un peu d’avoir été seulement vu comme un potentiel financeur. Ils parlaient allemands, moi français. Ça n’a pas dû aider. Ca m’aurait plu d’échanger avec eux. Je ne sais pas pourquoi…
Assis sur un banc un peu plus loin pour ma pause, l’une d’elle finit par venir vers moi, quelques minutes plus tard…
Sur son téléphone qu’elle me tend, elle a traduit “voici quelques gâteaux que nous vous offrons par respect pour votre projet”.
Dans son sourire et dans mes yeux, il y a la paix dans le monde.
Je crois savoir que Joël reçoit lui aussi le même type de témoignages plusieurs fois sur son chemin.
Mais ce qui nourrit plus encore mon énergie, c’est cette perspective demain de rejoindre le Burgenstock. Cet endroit où des dizaines de représentants du Monde discuteront de la stratégie de paix entre l’Ukraine et la Russie. Mais sans la Russie.
C’est une opportunité incroyable pour un tout petit homme à pied comme moi de venir poser la question : “Qu’est-ce que l’Amour pour vous ? L’utilisez-vous dans votre stratégie de Paix ? Et comment ?”.
C’est un sujet extrêmement sensible la guerre. Parce que la vie de tant de personnes est impliquée, détruite. Mon cerveau passe souvent de la nécessité effective que chacun a de se protéger, de se défendre, au fameux risque, résumé par la novlangue dont parlait Aldous Huxley consistant à inverser les valeurs, à modifier la réalité en corrompant le sens même des mots : “la guerre, c’est la paix”.
Je ne sais pas ce que nous pourrons réellement faire là bas. Qui nous rencontrerons et si nous réussirons, nous les “petits hommes” à faire entendre notre question/suggestion aux grands hommes, mais je remercie la vie de nous donner l’occasion d’essayer.
Est-ce des sujets tellement sérieux que je devrais me sentir illégitime ? Aller savoir pourquoi, je le ressens comme une tentative capitale pour moi.
Rendez-vous demain à 12h pour un live là bas. À 39 km de notre magnifique campement de ce soir. A demain.
PS : Je voulais remercier tout spécialement Karine Chardon aujourd’hui. Elle publie notamment ces récits sur le site et permet ainsi l’accès à cette aventure au plus grand nombre : https://www.semonslamour.org/recits-aventure/
C’est un énorme travail et une preuve de confiance dans ce que j’essaie de porter qui me touche beaucoup. Merci également à Julien Bedouet qui l’aide dans la réalisation technique de ces mises en ligne.
PPS : Merci à Joël pour sa patience à l’égard de mes complexités et son soutien sans faille.
PPPS : Merci à nos amis Suisses. Vous avez un problème avec les prix, on ne va pas pouvoir vivre très longtemps ensemble mais je vous adore. Quel magnifique pays et quelle magnifique douceur.
PPPS : j’espère vous allez tous bien ?
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.