Marathon 11/100 : 42 km (Marcenay – Dancevoir) – là où vit Saint Pascal, comme le nomme son entourage.
Je me suis fait surprendre par le panneau de Dancevoir. Il fallait bien marquer, signaler cette arrivée. Alors, lorsqu’il a été devant moi, j’ai allumé le réel Facebook… Mais mon réservoir d’énergie était vide.
Aux portes de l’absence d’envie, aux portes de moi non plus ne plus y croire…
J’ai une infinie chance d’être suivie par vous tous. Quelque chose en vous sait que la guerre qui se produit là bas, c’est comme un incendie dans notre forêt commune. Il menace de s’étendre, jusqu’à toucher nos enfants peut être un jour.
Il peut s’éteindre de lui-même, grâce au temps, à l’usure, aux pluies de larmes. Mais chaque arbre est un poème et vous savez vous aussi qu’un autre ne sera jamais le même.
En suivant cette aventure, je crois que vous pressentez que ma démarche à une chance de participer à arrêter la guerre.
Alors je voudrais être à la hauteur de cette idée, de notre besoin d’y croire.
Mais là c’était trop pour mon corps, pour ma tête. J’ai marché 2 km sur les 15 derniers.
Je me suis traîné sur les chemins tentant d’enjamber toutes les idées négatives qui se sont alors déversées sur ma route…
Si tu peines maintenant, comment peux tu imaginer faire encore 89 marathons alors qu’il y aura encore moins de nourriture, moins d’eau et beaucoup plus de chaleur plus tard.
Si cette idée a un intérêt pour mes enfants, je peux l’envoyer aux oubliettes en un instant parce qu’elle sera au dessus de mes forces et que l’envie de me vautrer dans mon duvet sera infiniment plus forte que celle d’aller user mes chaussures sur le brûlant béton.
Évidemment que seul tu n’avanceras pas et il ne se passera pas grand chose. Il va falloir du concret, des actes, de l’écho.
Moi et la Love Team et chacun de vous avez énormément donné déjà… Et pourtant, par exemple, les médias nationaux qui tournent en boucle l’impuissance des nations devant les horreurs sans cesse renouvelées semblent indifférents à cette idée que pourtant chaque passant salue.
Alors dans ce réel, je n’ai pas cherché à faire semblant. On entend dans ma voix la fatigue que j’aurais aimé ne pas avoir.
Je l’ai dit un grand nombre de fois, j’accepterais ce qui est. J’accepterais le chemin, les embûches, les miracles. Je me laisserais guider et je ferais confiance à ce qui viendra. Y compris ce que je ne voudrais pas. Je me mets au service de la vie car j’en sais la puissance. Elle sait mieux que moi le plan le plus pertinent.
Je me suis écroulé sur la table de l’épicerie bar où m’attendait Joël.
J’ai préféré annoncé à la modeste assemblée informée par mon compagnon du projet “je m’excuse d’avance, je suis fatigué et ça me rend désagréable”.
Je sentais que la question de savoir où nous allions pouvoir poser notre tente était dans l’air. Nous offrirait-on un accès à l’électricité, à l’eau.
Ce marathon il m’a ramené au fait que c’est le changement en chacun de nous auquel je crois pour arrêter nos guerres.
Que je crois aussi que demander qu’on m’aide à arrêter la guerre n’est pas le bon chemin. L’élan doit venir du coeur de chacun si l’on veut qu’il soit pérenne. Parce qu’enfin chacun verra l’intérêt commun.
C’est pourquoi la patience est une vertu.
Mais là, j’étais fatigué. Pour remonter mon énergie j’avais besoin que quelqu’un se lève lui aussi. Et devant les autres disent : “moi je vais vous aider”. J’ai regardé Saint Pascal comme les autres l’appellent. Avec cette intention à peine voilée “je n’y arriverais pas sans votre aide”.
Saint Pascal, voyant que ceux qui détenaient des clés collectives n’allaient pas bouger, a dit exactement “ben sinon, vous pouvez venir dans mon jardin, j’ai une douche et on pourra manger ensemble“.
En sortant de la douche il me parle des commémorations du département qui se déroulent aujourd’hui et dont parle la télé. “On peut dire des tas de choses sur les américains, mais heureusement qu’ils sont venus. Quand on pense à ces jeunes hommes engagés pour aider ceux d’un autre pays qui n’est pas le leur”. Il ajoute “je ne crois pas que ça arriverait avec nos jeunes d’aujourd’hui”.
Je souris intérieurement. Je suis là dans son jardin. Mais il a peut être raison, quel est le rapport !? Ai-je l’allure d’un debarquement ? J’ai 47 ans, on est 2 pour l’instant et mon arme, c’est simplement une question, une invitation à l’attention de chacun : “Et si on parlait d’amour !?”
Vous devriez pouvoir retrouver l’interview en fin de soirée de Saint Pascal qui nous a invité à dîner.
Et puis il y a vous. Vous avez été nombreux à comprendre en un instant, ce qui se passait pour moi à cette arrivée et me témoignez que vous étiez là vous aussi.
Alors je vais essayer de récupérer au mieux et de faire le 12e demain.
Pour l’espoir, mais aussi parce que j’ai donné rendez-vous à mes enfants le 4 juillet en Croatie.
#langres on arrive… Tranquillement !
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.
Bonjour Antoine
C’est Anne ou Danielles… comme tu veux.
Je te soutiens pleinement dans ton périple.
Celui que je viens de faire, canal de Nantes à Brest à vélo, n’est rien à côté du tien; mais j’y ai trouvé du silence, de la beauté dans les paysages, et de belles rencontres.
Tiens le coup tout en essayant de ne pas pousser tes limites physiques trop loin.
A bientôt pour tes nouvelles
Anne… théâtre de ste gemmes